Les derniers jours du Chelsea Hôtel
« La mode homme, c’est tout simplement la vérité de l’allure, loin de tout artifice » André
Depuis sa renaissance au mois de septembre 2011, sous l’impulsion de son nouveau directeur de la rédaction André Saraiva, le magazine masculin trimestriel L’Officiel Hommes a su devenir en deux numéros une parfaite incarnation de l’artiste parisien : chic, cultivé mais un brin canaille faisant fi de trop de conventions.
Graffeur, réalisateur, possédant des clubs à Paris, Londres, New-York, Los Angeles et Tokyo, André Saraiva plus connu sous son nom d’artiste André, a le don de transformer en or tout ce qu’il touche. Formidable visionnaire et touche à tout, son terrain de jeu ne se limite pas aux murs qu’il habille – ou taggue plus précisément – de Mister A.
C’est naturellement qu’il reprend les rennes du magazine à la demande des Éditions Jalou, y apportant sa patte et son écriture, le formatant comme une nouvelle création. L’artiste y clame notamment son irréductible amour pour Paris dès le second numéro, judicieusement nommé Paris je t’aime.
Prenant le parti pris de ne pas photographier de mannequins masculins mais des hommes, célèbres ou pas, qui ont un véritable vécu et un style propre, les éditoriaux réalisés avec la complicité de Tom Guinness, le rédacteur en chef mode du magazine, racontent d’abord un art de vivre et une mode contemporaine.
Pour le premier numéro sous la direction artistique d’André, l’artiste s’est entouré d’une équipe et de contributeurs d’exception comme Daniele Cavalli, fils du fameux Roberto, qui, en exclusivité, présente la collection Homme Cavalli Printemps Été 2012 dont il a assuré lui-même la direction artistique.
Dans cette nouvelle mouture, André dépasse les codes traditionnels des magasines de mode pour proposer un modèle moins conventionnel. S’éloignant de l’esthétique gay qu’on pouvait parfois retrouver dans certains éditoriaux, André instaure au contraire un univers masculin différent quitte à parfois choquer la féministe de moins de cinquante ans.
La femme y apparaît souvent dénudée. Ainsi le mannequin Camille Rowe Pourcheresse se retrouve pendue à un crochet tel un trophée de pêche ou sirène des temps modernes, alanguie nue sur un filet de pêche dans la série Deadliest Catch.
André a souhaité « éviter la photo de studio pour ne shooter les séries que dans la rue ou chez nous, comme s’il s’agissait d’ébauches de scénario« . Des petits films ont d’ailleurs été réalisés, que le magazine dévoile au compte-gouttes proposant un modèle dans lequel les hommes peuvent plus facilement se projeter.
Le 11 janvier 2012, le magazine a dévoilé sur son site le court-métrage Last Night at the Chelsea Hotel. Réalisé par son célèbre directeur artistique, le mini-film de 8’39’’ a été tourné cet été à New York avec Annabelle Dexter Jones, la fiancée d’André et Melvil Poupaud jouant un jeune couple qui séjourne au Chelsea Hotel juste avant sa fermeture.
Le film relate les moments vécus par les trois protagonistes durant les dernières heures d’ouverture de l’hôtel, vêtus des dernières pièces de la collection Automne Hiver 2011 d’Emporio Armani. En écho avec la série publiée dans le numéro du mois de Septembre 2011, ce mini-film est avant tout un véritable hommage au mythique hôtel, ayant du fermer pour pouvoir entreprendre de gros travaux de rénovation.
Haut lieu mythique de la vie artistique new-yorkaise, cet immeuble de onze étages, avec son enseigne au néon, sa façade en briques reconnaissable entre toutes et ses balcons en fer forgé, est aussi célèbre que ceux qui y ont habité d’Arthur Miller à Janis Joplin, de Dylan Thomas qui y mourut à l’iconique Patti Smith.
Cet imposant bâtiment, construit en 1883, se trouve dans le quartier de Chelsea au numéro 222 West de la 23ème rue, entre la 7ème et la 8ème Avenue. Il se trouve à peu de distance des galeries d’art de Chelsea, du Flatiron et d’Union Square. On aperçoit d’ailleurs le Flatiron l’espace d’un instant dans le court-métrage lors d’une promenade en vélos du couple.
Quelques chefs d’œuvre de la littérature y ont été écrits, comme Sur la route de Jack Kerouac et 2001, Odyssée de l’espace de Arthur C. Clarke. L’hôtel a été le lieu de résidence de nombreux écrivains, réalisateurs, acteurs ou musiciens, parfois pendant plusieurs années et a également servi de lieu de tournage. Andy Warhol y tourna le film Chelsea Girls, et Leonard Cohen se souvenant de sa brève rencontre avec Janis Joplin chanta « Je me souviens bien de toi à l’hôtel Chelsea« .
L’hôtel reste le lieu central du court-métrage où on découvre Melvin Poulpaud dans une des fameuses chambres à l’imposante cheminée ou déambulant dans le couloir. On regretterait presque qu’André n’ait pas choisi pour ce court-métrage la mythique chambre 822, lieu du shooting des clichés du sulfureux livre Sex de Madonna.
L’utilisation du court-métrage dans la mode est pour l’instant l’apanage des grandes marques l’utilisant à but publicitaire, comme Dior scénarisant son égérie Marion Cotillard et le sac emblématique Lady Dior en donnant carte blanche à de grands réalisateurs, ou encore la marque de prêt-à-porter pour hommes Melinda Gloss présentant de manière originale ses pièces.
Last Night at the Chelsea Hotel from mr andre on Vimeo.
Mais aucun magazine n’avait utilisé le court-métrage de cette façon, se bornant la plupart du temps à nous offrir des scènes de coulisses. Visionnaire, André préfigure t-il l’avenir des éditoriaux de mode alliant à la perfection photographie et court-métrage ? L’avenir nous le dira…
Marie-Odile Radom
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