Le Cuba d’Andres Serrano à la Galerie Art District
« I wanted to capture the Breath of a Nation, its land, ist people, its future » Andres Serrano
Il y a des rencontres qui changent une vie et d’autres qui la révèlent. Celle de l’artiste Andres Serrano avec le pays de ses ancêtres en fait partie. Photographe internationalement reconnu, Andres Serrano est né en 1950 à New York, où il vit et travaille, de parents originaires du Cuba et du Honduras.
Provocateurs pour certains, particulièrement percutants pour d’autres, ses travaux ne laissent personne indifférent à l’image de son oeuvre ultra-contreversée Immersions (Piss Christ) dont l’aura de scandale a définitivement contribué à faire connaitre l’artiste en France.
Mais réduire le travail d’Andres Serrano à sa partie la plus sulfureuse serait certainement le meilleur moyen de faire l’impasse sur un artiste en perpétuel questionnement sur notre monde contemporain.
Ses tableaux photographiques sont traversés par une quête de vérité constante, questionnant le monde sur ses rapports au sexe, à la religion, à la mort et aux problèmes de société, à l’instar de la sélection de photographies exposées jusqu’au 29 novembre à la galerie Art District du Royal Monceau – Raffles Paris en partenariat avec la galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles.
Né d’une mère ayant grandi à Cuba, Andres Serrano n’avait pourtant jamais visité l’île jusqu’à peu. Héritier d’une langue et d’une culture latines, il lui aura fallu soixante ans pour fouler pour la première fois le sol cubain le 25 mai 2012 en réponse à l’invitation de Jorge Fernandez, directeur de l’Institut Wilfredo Lam, qui souhaitait sa présence à la Biennale de la Havane.
Le photographe se prendra alors littéralement de passion pour le pays de ses ancêtres qu’il explora par la suite à plusieurs reprises. De la Havane aux endroits les plus reculés du pays, des habitations coloniales aux quartiers populaires, Andres Serrano pose un regard curieux et sans à-priori sur une île où la simplicité des quartiers populaires côtoie l’opulence de certaines familles.
Attiré par les cités colorées en partie laissées à l’abandon par le régime, il en dresse un portrait nostalgique dans lequel son objectif capte le moindre détail et capture les stigmates du temps de constructions délabrées en pleine décrépitude.
Loin des clichés habituels sur Cuba, le photographe est allé saisir au plus près son émotion, celle de découvrir la terre d’une partie de ces ancêtres, celle de découvrir un peuple dont le paradoxe reste le quotidien et dont il a voulu saisir la substance.
Son Cuba surprend par sa tendresse et la beauté du regard poétique porté sur ses « ruines » et ses couleurs fanées. Loin des façades colorées habituelles, c’est dans les intérieurs qu’il traque les couleurs, révélant des mosaïques très méditerranéennes en façade.
Les anciennes maisons coloniales de l’aristocratie cubaine et espagnole de la Havane prennent une toute autre dimension sous l’objectif d’Andres. Jadis luxueuses, ces demeures du XIXème siècle, ont été transformées en habitats communautaires, oscillant entre splendeur et décadence.
Curieusement, une maison a échappé à ce destin, celle de Jose Miguel Alonso et Josefina Grande, restée figée dans le temps, où l’élégance des boiseries est trahie par les assises éventrées du mobilier.
Dans cette vision de Cuba différente, Andres Serrano donne plus de place à l’Homme. Le peuple de l’île se révèle être le sujet et l’objet principal de l’épopée caribéenne effectuée par l’artiste pendant l’été 2012. Soudain, la dimension intimiste du projet prend tout son sens.
Les visages parfois éprouvés par l’âpreté du quotidien révèlent alors leur force. Les regards touchent, l’émotion est au bout de l’objectif, les symboles se bousculent renvoyant à l’identité même d’un peuple complexe.
Devenue un élément important tant dans sa vie que dans son travail, Cuba inspire Andres Serrano. Cette nouvelle exposition rend compte de l’appropriation d’un pays de la part d’un artiste en partie déraciné.
En se reconnectant à la terre de ses ancêtres, il a su rendre en toute sobriété la parole à une île souvent méconnue. Et le photographe y a trouvé plus qu’une muse, il y a trouvé l’essence même de son art, celui de l’intime et de l’intemporalité.
Galerie Art District – Le Royal Monceau Raffles Paris 41 avenue Hoche, 75008 Paris Horaires d’ouverture: du mardi au samedi de 10h30 à 18h.Crédit photo : with the courtesy of Galerie Art District
Marie-Odile Radom
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