Lost Angels By Lee Jeffries chez Yellow Korner
« I can’t change the life of these people, I can’t wave a magic wand but it doesn’t mean I can’t take a photograph of them and try to raise awareness and bring attention to their plight. » Lee Jeffries
Ils font partie de notre quotidien et pourtant pour beaucoup d’entre nous, ils sont invisibles. Qui ? Les sans domicile fixe, ces victimes d’accidents de la vie qui vivent pourtant à quelques mètres de nous en marge de nos propres vies.
Ils avaient une vie auparavant et parfois même nous accompagnaient dans notre trajet quotidien, ils mangeaient aux mêmes endroits que nous, quand leur vie a soudainement basculé, les tenant à l’écart de nous pour n’être plus qu’une image posée là dans la rue.
Jusqu’à ce qu’un photographe les rende à nos vies à travers des photographies exposées dans les galeries Yellow Korner.
Jusqu’au 13 avril 2014, l’exposition des clichés de la série Lost Angels du photographe Lee Jeffries investit les espaces de l’enseigne. Des visages marqués et des regards lourds de sens. C’est ce qui nous frappe à la vue des portraits de sans domicile fixe du photographe anglais Lee Jeffries.
De Londres à Paris, de Los Angeles à Rome, cet autodidacte a parcouru les grandes villes pour aller à la rencontre des sans-abris.
Au gré de ses voyages en Europe et aux Etats-Unis, Lee Jeffries a rencontré un grand nombre de sans-abris avec lesquels il a fait connaissance avant d’exprimer à travers son objectif leurs émotions. Alors spécialisé dans la couverture d’évènements sportifs, rien ne pouvait prédire qu’il consacrerait une importante partie de sa carrière aux portraits de plus démunis.
Mais une rencontre fortuite a scellé son futur photographique. Une rencontre avec une jeune fille londonienne sans abri. Dans un premier temps, il saisit son appareil pour la photographier de manière spontanée, blottie dans un sac de couchage. Mais la jeune fille le remarque. Il a alors pour premier réflexe la fuite.
Quelque chose le pousse pourtant à rester et à entamer une discussion avec elle. Cet échange change définitivement sa perception sur les sans-logis qui feront désormais partie intégrante de sa démarche artistique : éveiller les consciences – nos consciences – et dénoncer cette injustice universelle.
A travers ces photographies où les sans logis deviennent le sujet de son art pointe la volonté de donner une dignité à ses sujets, qu’il a pris le temps de connaître. « Les situations se sont présentées, et j’ai fait un effort pour apprendre à connaître chacun des sujets avant de leur demander leur permission de faire leur portrait. » avoue le photographe.
De ces rencontres naissent des portraits en noir et blanc saisissants qui par un artifice du regard semblent être hors du temps. Ces portraits poignants ne sont pas sans en rappeler d’autres, ceux au regard profondément humain des populations de l’Amérique de l’Ouest, des mineurs et des sans domicile fixe de Richard Avedon.
Lee Jeffries a pris le parti pris d’un traitement frontal et d’un cadrage resserré sur le visage ou sur les mains, insistant sur les reliefs du visage, travaillant les rides comme des sillons. Le traitement en noir et blanc ultra-contrasté magnifie chaque modèle.
Le sujet prend alors toute sa mesure, nul autre artifice n’est nécessaire que celui qui redonne vie à notre conscience. Mais c’est une conscience distanciée, malgré l’impression de proximité apportée par le noir et blanc.
Sans aucune complaisance ni indulgence, le photographe devient le témoin d’une réalité et nous force à être le témoin d’une injustice. Chaque photographie glisse peu à peu vers un troublant et émouvant témoignage de la misère et nous force à regarder une souffrance en face, celle qu’on se force presque à effacer de notre regard.
L’indifférence n’est plus possible, ces visages autrefois invisibles retrouvent de la matière devant nos yeux. On s’attarde sur les méandres de la vie ponctuant chaque recoin, chaque main. L’impression de solitude mais de profonde humanité est là et l’émotion pointe. Notre regard soudain hypnotisé ne peut se détacher de leur regard.
Et nous comprenons soudain. Eux, les citoyens du monde, ceux qui n’ont pas de chez eux sont des citoyens de notre quotidien, nos anges perdus. Car ils habitent notre quotidien et notre mémoire à défaut d’habiter un lieu.
Et on se surprend à aimer la noblesse de ses visages qui deviennent presque proches de nous, tout simplement parce que ces anges perdus existent dans notre quotidien….
Une vente aux enchères des tirages exposés aura lieu début mars dont une partie des bénéfices sera reversée à l’association L’un est L’autre dont la marraine est la comédienne Isabelle Nanty. Et pour ceux qui seraient séduits par ces portraits, les photographies de Lee Jeffries sont également rassemblées dans un superbe livre collector paru le 12 février 2014.
Les 1500 premiers exemplaires de cet ouvrage « Los Angels » sont numérotés et signés par l’artiste.
Livre relié : 232 pages, plus de 200 photographies
Couverture en tissu blanc
Coffret en tissu blanc
Textes sur papier bible, 18 x 24 cm
© Lee Jeffries
Marie-Odile Radom
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