L’exposition Little Black Dress par André Leon Talley
« L’exposition met en évidence le pouvoir de l’individualisme, retraçant l’évolution de la petite robe noire de ses origines, incarnation d’une élégance sobre à l’exploration contemporaine des matières, des variances de noir et des silhouettes. » André Leon Talley
En septembre 2009, ce personnage haut en couleur était entré dans la lumière grâce à quelques séquences cultes du documentaire de RJ Cutler The September Issue. Bien connu des lecteurs du Vogue américain, André Leon Talley, l’un des critiques les plus influents du monde de la mode, est le commissaire de l’exposition parisienne la plus attendue de la Fashion-Week Haute-Couture de juillet dernier.
Revendiquant fermement un goût prononcé pour l’élégance, le nouvel éditorialiste de l’édition russe du magazine Numéro, l’ancien collaborateur d’Anna Wintour est le mentor des étudiants du Savannah College of Art and Design (SCAD) depuis plus de 10 ans.
Pendant près de 40 ans, cet afro-américain, élevé par une grand-mère qui lui donna le goût du vêtement bien coupé, a suivi Karl Lagerfeld à l’œuvre travaillant à ses collections couture et prêt-à-porter au sein de l’atelier originel de Mademoiselle Chanel au 31 rue Cambon à Paris.
Et c’est d’une petite robe haute-couture en laine noire relevée de soie créée en 2006 par Karl Lagerfeld qu’est naît l’inspiration de l’exposition Little Black Dress. Cette robe fut l’un des premiers modèles réalisés par une maison française à être légué au tout nouveau département de costumes du SCAD Museum of Art et trône majestueuse telle une oeuvre d’art dans son cadre.
Organisée en partenariat avec la marque de cosmétiques M.A.C jusqu’au 22 septembre 2013, l’exposition Little Black Dress retrace l’importance historique et contemporaine d’une pièce iconique devenue très vite un symbole absolu du chic féminin et magnifiée par Audrey Hepburn : la fameuse petite robe noire.
Pour l’occasion, une cinquantaine de robes haute couture des années 1930 à nos jours ont été rassemblées dans les salons feutrés de la Mona Bismarck American Center for art and culture, grâce aux contributions de créateurs d’hier et d’aujourd’hui, pour certains issus de l’International Best Dressed List, et réalisées par des stylistes de renom : Lanvin, Balenciaga, Kamili, Comme des garçons, Chanel, Marc Jacobs, Givenchy, Calvin Klein…
Conçue autour de diverses représentations de la petite robe noire du siècle dernier à aujourd’hui, l’exposition Little Black Dress met en évidence l’évolution de cette pièce intemporelle devenue iconique.
De ses débuts plutôt ordinaires dans sa forme classique, elle est devenue au fil du temps résolument plus symbolique, grâce à la recherche de nouvelles textures, de nouvelles tonalités de noir et de l’évolution des silhouettes.
Véritable phénomène du XXe et XXIe siècle, chaque petite robe noire est, pour ainsi dire, imprégnée des valeurs de son époque, comme un formidable témoignage des différentes révolutions du monde moderne. Ainsi au début du siècle, les premières robes noires envahissent les garde-robes avec les évènements de la première guerre mondiale et l’épidémie de grippe espagnole.
Il faudra attendre 1926 et la robe « Ford » de Chanel – celle qui fut baptisée la petite robe noire par le Vogue américain – pour que les robes noires deviennent un standard que toutes les femmes adoptent désormais dans la vie de tous les jours. Sobre, confortable, pratique et élégante, la petite robe noire s’est imposée comme une valeur sûre au fil du temps pouvant être adaptée et adoptée en toute circonstance.
En plaçant la petite robe noire en témoin de son temps, l’exposition Little Black Dress dresse un intéressant parallèle entre l’évolution sociétale et l’évolution de la création.
Dès le premier tableau, le ton est donné de manière assez surprenante en faisant cohabiter un classique fourreau en satin duchesse et la fameuse robe chemisier en dentelle pour homme signée Rei Kawabuko pour Comme des Garçons – portée par Marc Jacobs lors du bal du Met – dans une formidable représentation de l’évolution des mœurs de notre société.
Cette exposition célèbre la petite robe noire sous toutes ses formes, en allant de la robe plissée Fortuny de C.Z. Guest, icône de la mode amie d’André Leon Talley, à l’élégance incontournable de la robe en soie crêpée de chine de Madame Grès datant de 1977.
Elle se fait plus inattendue sous la forme d’une robe-manteau créée par Karl Lagerfeld et nous hypnotise à travers des pièces somptueuses rendant hommage au savoir-faire d’ateliers d’exception.
On découvre aussi une robe bustier en dentelle de Cristobal Balenciaga datant de 1957 …
qu’on ne peut s’empêcher de comparer à une pièce plus récente et plus courte faite en crêpe de soie et cellophane créée par Nicolas Ghesquière pour la collection croisière 2013 de la maison Balenciaga.
Mais ce sont surtout des pièces plus actuelles qui composent la majeure partie de l’exposition à l’instar d’une robe du soir en dentelle de Tom Ford interprétée par Lady Gaga, d’une sélection de la collection Automne-Hiver 2011-2012 de Prabal Gurung précédemment portée par Sarah Jessica-Parker et d’une robe Stella McCartney portée par Rihanna.
De nombreuses autres pièces iconiques nous sont également proposées issues des collections Chanel telle une robe haute couture, L’Wren Scott et Azzedine Alaia qui nous gratifie d’une robe ornée d’une multitude de zips.
La maison Givenchy, dont le créateur Hubert de Givenchy avait fait de la petite robe noire l’uniforme d’Audrey Hepburn, est également mise à l’honneur ainsi qu’Yves Saint-Laurent, Alber Elbaz pour Lanvin dans une robe en néoprène et Pierre Cardin dans une étonnante création en tulle ponctuée de volants en taffetas.
Les créateurs américains sont également représentés à travers Calvin Klein et sa robe hérissée de tessons de verre, le duo Proenza Schuller et Ralph Lauren et son vestiaire très art déco version Gatsby le magnifique.
Oscar de la Renta nous éblouit toujours autant avec ses robes de bal.
Bien d’autres créateurs nous sont proposés moins connus en France, mais chez qui, la rigueur des coupes et l’exigence des matières transparaissent dans de somptueuses pièces aux riches détails.
Bien que l’exposition rende hommage au noir, ce n’est pourtant la seule couleur mise à l’honneur dans ce parcours. En effet, en raison du rôle essentiel que Diana Vreeland joua dans la vie, le rouge, couleur favorite de cette dernière, vient recouvrir tous les murs de cette exposition temporaire et une jupe longue à volants forcément flamboyante signée Oscar de la Renta.
Le bleu marine, souvent qualifié de new black, nous fait également un timide signe de la main grâce à la robe plissée en mousseline de Zac Posen.
En évitant l’exposition simplement chronologique, André Leon Talley a su éviter la facilité pour créer un véritable dialogue sans mot entre les différents styles, ne juxtaposant pas à dessein les créations de différents créateurs d’une même maison.
C’est ainsi que l’impression de promenade dans le temps est la plus forte en mettant en parallèle les mêmes styles de femmes à différentes époques. Ainsi, la femme Balenciaga a bien évolué entre la vision de Cristobal et celle de Nicolas Ghesquière, le souci des lignes graphiques et le sentiment de liberté est toujours là.
L’exposition démontre l’universalité de la petite robe noire à travers les différents points de vue des créateurs. Bien plus qu’un uniforme, elle reste l’expression de l’affirmation d’un style et d’une élégance propre à chacune. Cuir, dentelle, tulle, soie, néoprène et même latex deviennent ainsi les matières d’un style, celui de la petite robe noire, multiple au gré des personnalités.
Et si les pièces restent pour la postérité, le vocabulaire change au fil des époques et l’élégance reste. C’est d’ailleurs ce qui manque un peu à cette exposition sur cet objet de fascination qu’est la petite robe noire, quelques mots…
L’exposition est ouverte au public jusqu’au 22 septembre 2013 au
Mona Bismarck American Center for art and culture
34 avenue de New York
75116 Paris.
E-mail. : info@monabismarck.org
Horaires
Mercredi à Dimanche, de 11h – 18h
Tarifs :
Adultes: 7 € Tarif réduit: 5 €
Gratuit: Enfants -12ans
Marie-Odile Radom (textes et photo)
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