Julien Fournié Haute-Couture Automne-Hiver 2013-2014

Il y a quelques années, invitée à la remise de la Grande Médaille Vermeil de la Ville de Paris d’Inès de la Fressange, j’avais alors eu l’occasion de rencontrer deux jeunes créateurs lauréats du Grand Prix de la Création de la Ville de Paris section mode : Yiqing Yin alors débutante et Julien Fournié en catégorie confirmé.

Le créateur désormais Membre invité de la Haute-Couture parisienne ne s’en souvient pas probablement pas mais pour moi ce fut ma première rencontre avec sa couture, le début d’une intense conversation.

Julien Fournié ne cesse depuis de me surprendre au hasard de ses premières sensations – car il s’agit toujours de premières expériences avec lui – comme au mois de février 2013 où il a alors créé pour la première fois les costumes de scènes des solistes du concert Maestro & Friends du violoncelliste Steven Isserlis.

Dépoussiérant la robe de concert de la plus belle manière, Julien Fournié a réussi le difficile exercice de créer des tenues accompagnant de délicatesse les mouvements précis des solistes sans pour autant entraver leur corps. Chacune des envolées lyriques auxquelles nous avions le bonheur d’assister devenait l’expression même de la légèreté.

Les volutes vertes du bustier de la pianiste Connie Shih devenaient de gracieux battements d’ailes d’un papillon vert au summum de la transe. L’altiste Béatrice Muthelet, solennelle et majestueuse, irradiait dans une longue robe noire à plumes tandis que la violoniste Arisa Fujita ondulait dans une robe fourreau.

Et c’est vers de nouvelles chimères que Julien Fournié nous emmène cette saison. Ses Premières Chimères nous ont offert de profonds moments d’émotion partagée. Jouant sur des clairs-obscurs, la collection Automne-Hiver 2013-2014 tire sa force de la lumière pour mieux exalter la profondeur et la grâce des femmes d’aujourd’hui.

Dans le cadre intimiste de la Galerie Artcurial, les silhouettes empreintes d’une féminité à fleur de peau font référence aux longilignes silhouettes de femmes de Modigliani et aux couleurs gourmandes des tableaux de Gustav Klimt dans des tonalité de chocolat, de sable, de bronze et de lamé.

La femme Julien Fournié révèle enfin son essence, savant mélange de force et de fragilité, dans des fourreaux du soir enserrant la taille pour mieux souligner l’ampleur des hanches. Sur l’adagietto de la cinquième symphonie de Mahler, les motifs art Déco des jacquards de soie or et ivoire séduisent et nous plongent dans une atmosphère irréelle, dont la gravité se retrouve accentuée par l’apparente vulnérabilité de mannequins mi-femme, mi-créature fantastique juchée sur les talons vertigineux de Walter Steiger.

C’est l’allure conquérante que la femme Julien Fournié entend régner sur l’empire de la couture dans une maîtrise de la broderie exceptionnelle où le sequin devient une seconde peau et où le cuir se fait écaille. Les épaules sont mises en exergue dévoilant des excroissances façon origami, protégeant d’une armure de soie la peau diaphane d’une princesse forcément solaire.

Alors que les cols étirent la silhouette en longueur, les dos nus libèrent un corps entravé dans un corset de cuir. La paillette sombre et profonde devient précieuse et dorée comme mue par la caresse d’un cil. La dense fourrure se fait soyeuse dans la plus parfaite des alchimies, vison et organza formant une robe des plus majestueuses à la longue traîne de fourrure. La fermeture éclair s’impose laissant deviner d’obscurs secrets.

Point d’orgue d’une collection au romantisme avoué, la robe de mariée ornée de dessins délicatement peints à la main par la talentueuse artiste Ambraude s’avance telle une forte allégorie du lion, ses volants rappelant la crinière du roi des animaux.

Avec une collection très visuelle, accentuée par des coiffures spectaculaires et un maquillage graphique mais non dénuée de féminité, Julien Fournié gagne en maturité et en poésie multipliant les influences. Tantôt femme déesse tantôt sirène moderne, la femme Julien Fournié s’épanouit et n’hésite pas une seconde à dévoiler ses faiblesses. Et tandis que les fleurs brodées sur la robe de mariée fanent, un papillon s’envole du tissu vers de nouvelles chimères….

Crédit photo : Yannis Vlamos

Marie-Odile Radom

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