Le regard de Cecil Beaton s’expose chez Sotheby’s
« Que ses sujets fixent la caméra effrontément ou que leur regard la fuit délicatement, Cecil Beaton avait cette manière unique de saisir leur âme, la lumière ou la vulnérabilité qui émane d’eux. » Alexis Mabille
De lui, on retient une photographie glamour à l’élégance naturelle, malgré un goût certain pour la mise en scène. Qu’il photographie la Reine Elisabeth II, les aviateurs de la Royal Air Force, des mannequins ou qu’il soit un simple témoin de son époque, Cecil Beaton était en quête perpétuelle de beauté.
Son influence sur le monde de la photographie et de la mode actuel est pourtant encore palpable. Fasciné par l’élégance, le dandy esthète faisait prendre à ses modèles des poses inhabituelles, utilisant des accessoires tout en étant très attentif à la tenue de son modèle. Profondément novateur, il multipliait les effets utilisant miroir ou cellophane pour ajouter une touche d’exubérance baroque.
Sir Cecil Beaton s’est très tôt intéressé à la photographie. Ses deux sœurs qui l’ont élevé furent ses premiers sujets et restèrent ses modèles favoris. Il se fera connaître lors d’une exposition à Londres en 1926 qui lui vaudra de signer un contrat avec l’édition britannique du magazine Vogue, pour lequel il collaborera jusqu’au milieu des années 1950.
Dès lors, le photographe anglais s’illustra dans le portrait de célébrités. Bien plus qu’un grand photographe, il était également un écrivain et un illustrateur de talent et créa des costumes et des décors pour le théâtre et le cinéma. En 1964, il réalisa notamment les costumes du film My Fair Lady avec Audrey Hepburn.
Jusqu’au 31 juillet 2013, la salle de ventes Sotheby’s rend hommage à Sir Cécil Beaton et dévoile trente images parisiennes du photographe, dont
A quelques numéros seulement de l’appartement où logeait le photographe après la Seconde Guerre Mondiale, la Galerie Charpentier, siège de Sotheby’s France, s’est adressée au créateur Alexis Mabille pour mettre en scène l’exposition.
Véritable condensé de l’œuvre et du caractère de Cecil Beaton, cette exposition est une délicieuse plongée dans l’oeuvre du photographe grâce à une scénographie sobre et intimiste. Dans un hommage puissant à la ville de Paris et à la mode des années 30 à 70, l’exposition met en scène les artistes et les personnalités ayant marqué cette époque.
Le spectateur est ainsi captivé par les portraits de ces figures de l’après-guerre, de Marie-Laure de Noailles à Rudolf Noureev en passant par Gabrielle Chanel, Maria Callas, Yves Saint-Laurent ou encore Salvador Dali et Pablo Picasso dans une scénographie guidée où chaque panneau est décrit selon une thématique manuscrite.
Alexis Mabille a fait le choix de nous montrer une intimité, celle d’un portraitiste de talent avec ces fortes personnalités qu’il estimait tant.
Parce qu’il n’aimait pas le cadre impersonnel de la photographie de studio, la visite nous entraîne d’abord dans l’intimité des personnalités qu’il a choisi de prendre dans Leurs Intérieurs à l’instar d’une Gabrielle Chanel dans son appartement de la rue Cambon.
Un mur entier est ensuite consacré à la mode, sobrement nommé la Couture célébrant des années de création dans un sublime hommage à Paris, capitale de la mode.
Réunis sur ce mur comme invités à porter un regard émouvant sur la mode d’aujourd’hui, Yves Saint-Laurent, Hubert de Givenchy, Cristobal Balenciaga, Elsa Schiaparelli et Madame Grès semblent contempler la mode à venir.
Et lorsque le monde de la scène décide de s’offrir à nos yeux, c’est un Rudolf Noureev presque abandonné, apparaissant en pleine lumière comme bercé par les ombres qui l’entourent, qui capte notre regard. L’art du photographe est à son summum, l’impression de proximité et d’intimité est totale sans pourtant être artificielle.
S’il y a toujours une Muse dans l’ombre d’un artiste, aucune ne semble vraiment se détacher dans le travail de Cecil Beaton. Muse parmi les muses, Gala apparaît au côté de Salvator Dali dans une composition surréaliste soignée, où Gala a le regard perdu à travers la grille d’un casque d’escrimeur tandis que lui, le regard presque conquérant, fixe l’objectif devant son tableau Couple aux têtes pleines de nuage exprimant les obsessions déguisées du célèbre peintre.
Qui mieux que Pablo Picasso, Colette et tant d’autres pour évoquer le monde de l’art et des lettres qui le fascinait tout autant ? Pablo Picasso, au même titre que Jean Cocteau fait partie de ses intimes.
En acceptant d’être le scénographe de cette exposition, Alexis Mabille a brillamment réussi à démontré en quoi le prince de la photographie, tel qu’était surnommé Cecil Beacon, était un portraitiste hors du commun, novateur qui savait à la fois capter les âmes comme personne mais également l’air du temps.
Témoin de la créativité de toute une époque, il s’appliqua à la retranscrire à sa manière en visant l’exception et la perfection. Le créateur en a pris la pleine mesure dans une sorte de dialogue entre ses sujets de fascination et sa compréhension du travail de celui qui restera à jamais un véritable dandy de la photographie.
Crédit photo : © Cecil Beaton Studio Archive with the courtsey of Sotheby’s London
Marie-Odile Radom
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