Hyères 2013, le 28è Festival International de Mode et de Photographie
Jusqu’au 29 avril 2013, le Festival de mode et de photographie d’Hyères se tient dans les jardins suspendus de la Villa Noailles. Créé par Jean Pierre Blanc, le Festival vise à promouvoir et encourager une nouvelle génération de créateurs de mode et de photographes.
Devenu au fil des années l’un des festivals de mode les plus renommés, le Festival de Hyères a révélé bon nombre de talentueux créateurs, à l’instar du duo néerlandais Viktor & Rolf en 1993 ou encore d’Anthony Vacarello en 2006, dont les collections toujours plus pointues séduisent le plus grand nombre.
Grâce au soutien des partenaires du festival, plusieurs prix récompenseront le 29 avril 2013 les talents de demain en compétition dans chacune des disciplines. Trois prix mode seront ainsi décernés.
Le Grand Prix du Jury Première Vision et le Prix Chloé sont tous deux accompagnés d’une bourse de 15 000 euros et d’un accompagnement des gagnants dans leur entrée dans le monde de la mode. Le Prix du Public et de la Ville de Hyères est plus honorifique.
Dix jeunes stylistes viennent confronter leur univers et présenter leurs créations entre créativité et réalité commerciale devant un jury de professionnels de la mode présidé par Felipe Oliveira Baptista. Ce dernier, fondateur de sa marque éponyme et directeur artistique de Lacoste, a lui-même été lauréat du grand prix du Festival de Hyères en 2002.
Venant respectivement de Lettonie et de Russie, le duo Tomas Berzins et Victoria Feldman se sont rencontrés sur les bancs de l’école de mode Esmod à Paris. Le duo a présenté une collection sombre et agressive inspirée par la guerre, faite de cuirs noir contrastant avec des pièces transparentes plus féminines.
La Française Marion de Raucourt a présenté une collection minimaliste aux lignes pures et aux tons neutres. Elle privilégie une mode pratique sans une seule couture grâce à de savants pliages inspirée du système de montage d’un packaging.
Henning Jurke a imaginé une soirée des années folles, une fête allégorique. Le créateur allemand a introduit des touches féminines au vestiaire masculin, allant jusqu’à broder des cristaux Swarovski multicolores sur un smoking.
Camille Kunz a fouillé dans l’armoire de ses frères pour trouver l’inspiration. La jeune Suissesse a réinterprété la garde-robe typique du jeune suisse en y ajoutant du silicone pour donner une nouvelle allure.
Satu Maaranen s’inspire de la nature pour créer des pièces pleines de poésie et de délicatesse. Cette créatrice finlandaise a peint ses créations, sur lesquelles les imprimés grand large nous plongent dans des paysages rappelant le mouvement des vagues.
Xénia Laffely est hantée par deux figures, celle du père en costume classique et celle du religieux en tenue d’apparat. La créatrice suisse a ainsi su digérer ces hantises pour façonner une nouvelle figure, celle du fils indigne, insoumis et flamboyant, ce qu’elle traduit par des costumes aux imprimés flamboyants dans des tissus rigides.
Yvonne Poei-Yie Kwok nous interroge sur le rôle de la mode dans nos vies quotidiennes. La jeune Néerlandaise, déjà récompensée par deux prestigieux prix à Londres et Amsterdam, nous offre une collection architecturale au travail manuel minutieux fait de nombreux plissés accordéons.
La collection de Damien Ravn s’inspire de l’armure médiévale. Le créateur norvégien nous propose des cottes de mailles revisitées et féminisées, des robes aux ouvertures généreuses aux couleurs tranchantes et irisées.
Shanshan Ruan dévoile un univers poétique à travers des robes pastel romantiques aux tons doux et crémeux. La créatrice chinoise place sa collection sous le signe de la légèreté où voiles vaporeux semblent entamer une furieuse danse.
Originaire du Canada, Xing Su invite les consommateurs à prendre un rôle indispensable dans leur habillement. Sa collection très structurée est un parfait équilibre entre pure création et esprit couture joue la carte monochrome avec des accents flashy sur le buste et des bas volumineux.
Le Festival de Hyères a su également se faire un nom dans le milieu de la photographie contemporaine avec une sélection drastique privilégiant la photographie d’auteur. Dix photographes, choisis parmi 773 candidatures, sont en compétition pour le Grand Prix du Jury Photographie remis par un jury international présidé par le photographe Charles Fréger.
Emile Barret esquisse un corps métaphorique qu’il consigne dans un Atlas Contemporain de Processus de Corps Humains. Les compositions du photographe français, dans lesquelles il décompose le corps humain pour le mettre en scène dans un univers coloré, intriguent et fascinent.
Des pin-up nues se couvrent pudiquement dans les clichés d’Eva Stenram. La photographe suédoise présente Drape, Dans laquelle elle détourne des vieilles photos de pin-up posant dans des décors devant des rideaux ou tentures. Par un travail de retouche, elle étend les rideaux de façon à partiellement cacher le corps de ces femmes élargissant ainsi la frontière entre intime et public.
Anna Orlowska construit des images toutes imprégnées de tension et d’ambiguïté. La photographe polonaise met en scène dans sa série Leskage un homme pris entre son état de nature et son inscription dans la civilisation, assujetti à divers conflits intérieurs. Le résultat oscillant réel et illusion est troublant.
David Favrod représente avec beaucoup d’humour et de sensibilité sa propre quête d’identité, partagé entre sa nationalité suisse et son identité japonaise. La série Gaijin est une fiction mêlant autoportraits et paysages, à travers des images créées depuis la Suisse à partir de souvenirs lointains de voyage, d’histoires racontées par sa mère et des récits de guerre.
Dans la série La Conversation, le photographe anglais Dominic Hawgood met en scène deux femmes plongées dans la prière et examine le « parler en langues », une forme de transe peu répandue dans la communauté chrétienne. Sa série à la fois intime et théâtrale interroge sur les notions de spiritualité et l’expression de la foi.
Grace Kim transporte le spectateur dans un univers entre imaginaire et réel à travers des images construites grâce à un processus de photographie et de collage numérique. La série Constellations de la photographe américaine nous plonge dans des paysages existentiels et poétiques, fragments de séquences recueillies au cours de ses voyages, de ses déambulations quotidiennes, et de ses promenades sur Internet.
Lena Amuat et Zoe Meyer s’approprient des objets rituels, cultuels, fétichistes ou religieux pour construire une vision subjective du monde. La démarche artistique du duo suisse, empruntant au registre de la collection encyclopédique, remet en question la relation entre réalité et fiction, modèle et réalité, original et copie, connaissance et perception.
Petros Efstathiadis explore la paranoïa à l’œuvre dans nos sociétés modernes. La série du photographe grec Liparo & Bombs est née de l’observation de ce moment particulier où les émeutes en Grèce se sont transformées en un spectacle à l’attention des médias.
Symboles oniriques, maquettes, installations, ready-made, avec Handbook to the Stars, le photographe hongrois Peter Puklus livre un documentaire photographique d’une expérience sculpturale semblable aux exercices de forme et de lumière pratiqués par l’avant-garde des années 1920.
John Mann explore la désolation d’un paysage tantôt dissimulé, tantôt révélé par la lumière à travers des images en noir et blanc. Sa série Pack Ice utilise la nature morte photographique pour représenter ce sentiment de lumière étrangère si présent en terre d’Arctique.
En parallèle aux expositions et aux défilés des jeunes créateurs en compétition, la Villa Noailles réunit grands noms et jeunes talents des deux disciplines à travers plusieurs installations et expositions, avec une formidable rétrospective du photographe de mode Guy Bourdin et les commandes photographiques du Président du Jury pour Lacoste. Les expositions de la Villa Noailles se tiendront jusqu’au 26 mai 2013.
Le Festival International de mode et de photographie de la Ville de Hyères encourage et soutient chaque année la jeune création dans les domaines de la mode et de la photographie. Avant-gardiste et certainement novateur, il permet aux talents de demain d’émerger sur la devant de la scène. Cette édition, elle ne faillit pas à ses promesses, grandiose, magnifique et pleine d’émotion. Vivement le palmarès !
Marie-Odile Radom
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