Givenchy Hommes Automne Hiver 2013-2014

« Je cherche l’inattendu. Je cherche quelque chose que je n’ai jamais vu. » Robert Mapplethorpe

Les saisons se suivent et ne ressemblent pas pour Riccardo Tisci, le talentueux directeur artistique de la Maison Givenchy. Après l’iconographie religieuse de la saison passée, c’est la vision d’un homme Givenchy plus sensuel un brin gladiateur un brin rock’n’roll que nous offre le créateur pour l’Automne Hiver 2013-2014. Comme un écho à la crise quotidienne, il revisite ses obsessions dans une collection rappelant l’esthétique sans concession du photographe Robert Mapplethorpe. L’Amérique, le sport, la sexualité, le néoclassicisme grec et la bannière étoilée nous apparaissent sous un jour nouveau, nous dévoilant leurs côtés sombres.

Puisant dans son héritage latin, le créateur italien a imaginé un podium-arène dont il esquisse les contours à l’aide de centaines de bougies posées au sol. Telles des torches romaines, elles montrent la voie aux puissantes silhouettes à majorité noire et blanche, matinées de subtiles nuances de gris, émergeant de sombres profondeurs via un sas fleuri.

Mélangeant l’élégance de la couture, la rigueur du tayloring et la décontraction d’un certain streetwear urbain, la collection Automne-Hiver 2013-2014 débute par une série de costumes droits aux coupes irréprochables en chevron de laine ou en flanelle à l’élégance sombre. Chaque détail est pensé, travaillé dans un esprit couture autour de matières luxueuses, les cols et les revers disparaissent.

Textures brillantes et mates s’opposent dans un contraste saisissant, le cuir amidonné se mêle au tweed d’épais costumes anthracite en tweed. Des fermetures éclair métallique éclairent le noir velours de vestes en accentuant les contours. Les matières se mélangent à l’instar d’une chemise de popeline de coton aux manches et épaules en velours.

Le point fort de Givenchy – à savoir l’imprimé – est bien présent mais se conjugue désormais sur de riches matières bien éloignées du classique jersey. Soie, velours et organza font de bien inspirés terrains de jeu.

Le traditionnel duffle-coat prend son envol en perdant sa capuche et se réinvente en cuir épais et laine feutrée. Pour le soir, les pantalons en velours s’associent à des chemises blanches et des gilets munis de fermeture éclair.

Tel un cri d’amour à une Amérique fantasmée, Riccardo Tisci multiplie les références visuelles à la terre d’abondance et au pays du miel. Le drapeau américain – la fameuse bannière étoilée – apparaît sur un sweatshirt de velours tandis que le mot America se prend d’affection pour le K.

Le sport revient tel un leitmotiv faisant des mannequins des néo-gladiateurs. Les doudounes matelassés s’habillent de cuir souple et sont nouées à la taille sur plusieurs silhouettes. Les bombardiers se parent de coutures très voyantes, lacées comme des gants de baseball. Des micro-shorts dévoilent des cuisses de guerriers, les pulls sans manches sculptent la silhouette.

Les références à la photographie sont subtiles mais indubitables. Des nuances de blanc, de noir et de gris de la collection aux photographies de Robert Mapplethorpe imprimées ou contrecollées sur les vêtements, tout renvoie à l’iconographie  faite de statues néo-classiques, de fleurs et d’une esthétique du corps troublante passant par des jeux de lumière chère à l’enfant terrible de la photographie new-yorkaise.

En laissant parler son côté sombre après avoir tutoyé les anges la saison dernière, Riccardo Tisci fait émerger un homme Givenchy nouveau, plus élégant. Chérissant l’Amérique et ses mythes, il donne libre cours à ses obsessions dévoilant le même propos que Robert Mapplethorpe dont il s’est clairement inspiré. Sport, éloge du corps, sexe et tradition ont forgé la légende du pays de la bannière étoilée, la rue en a tracé les contours. La mode de Riccardo Tiscci est ainsi, un mélange de tradition et de style urbain pour un homme bien ancré dans la réalité. Jouant sur du velours, l’homme Givenchy passera l’hiver au chaud et s’il parfois se découvre, il n’abat pas pour autant toutes ses cartes.

Crédit photo : with the courtesy of Givenchy

Marie-Odile Radom

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