La Petite Veste Noire, un classique revisité
« Tout le monde rêve d’inventer la veste Chanel, c’est l’équivalent du jean, du t-shirt, et ça n’a pas de genre, parce qu’un t-shirt tout comme un jean peut aller sur un homme ou sur une femme […] La veste Chanel est ainsi une veste d’homme qui est devenue un vêtement typiquement féminin, qui a traversé cette frontière et qui est définitivement devenu le symbole d’une d’une certaine élégance féminine nonchalante indémodable et hors du temps, c’est à dire de tous les temps. » Karl Lagerfeld
Elle est, comme la petite robe de la même couleur, entrée au Panthéon de la mode. Pièce universelle du vestiaire de l’élégante, la petite veste noire de la Maison CHANEL est depuis plus de cinquante ans symbole du chic et du bon goût. Et reste irrémédiablement associée à la Parisienne.
C’est en 1954, après quinze années passées en Suisse, que Gabrielle Chanel rouvrit sa maison de couture parisienne avec une pièce phare inspirée d’une veste militaire autrichienne : une veste en tweed à boutons en métal doré droite et structurée avec quatre poches plaquées pour y mettre les mains.
Le tailleur en tweed qui a fait la renommée de la Maison était né et avec lui l’avènement d’une élégance chic et sobre, où la femme se retrouvait libérée des contraintes qui alourdissaient son allure.
La veste en tweed se fait alors seconde peau. Celle qu’on surnomma Coco Chanel bannit les entoilages et les épaulettes afin de libérer le mouvement. Et pour gagner en souplesse tout en gardant le maintien, le devant de la veste est monté dans le droit fil, sans pinces poitrine ainsi que le dos, simplement séparé par une couture au milieu.
Pour donner un parfait tombé, une chaîne en laiton est apposée au bas de la veste, cachée par le retour de la doublure. La ganse souligne les contours de la veste, le bord des poches, le bas des manches. Elle imprime une force graphique, avec des galons en gros grain, en maille ou autres infinies variations, unicolores ou bicolores, parfois même taillés et rapportés dans une lisière à effet « non fini » frangé. Quant aux boutons-bijoux, ils sont ponctués d’une tête de lion, de blé, d’un camélia, ou siglés du célèbre double C, emblème de la Maison de couture.
Depuis sa création il y a plus de cinquante ans, la veste en tweed n’a de cesse de se réinventer au fil des saisons et de la personnalité de celle qui la porte. Classique en tailleur, elle se veut plus contemporaine portée sur un jean brut et une chemise blanche. Chic au dessus d’une robe, elle se fait caméléon pour mieux suivre nos désirs. Mais c’est en noire qu’elle affirme son caractère et devient la quintessence du chic.
Saison après saison, Karl Lagerfeld, le créateur et célèbre directeur artistique de la Maison Chanel, nous prouve son statut de pièce iconique de notre garde-robe, la réinventant au gré des coupes et des couleurs sans pour autant perdre son pouvoir d’attraction qui la fait traverser les âges. La dépareillant de sa comparse de toujours, il multiplie les clins d’œil, proposant des tweeds inédits dans des mélanges osés de matières et de motifs.
La petite veste en tweed est mise à l’honneur et s’expose dans sa version la plus chic au Grand Palais. Au travers d’une centaine de photographies extraites du livre La Petite Veste Noire : Un classique de CHANEL revisité par Karl Lagerfeld et Carine Roitfeld, dans lesquelles égéries de la Maison, célébrités et personnalités internationales portent la veste iconique, le couturier et photographe nous démontre de la plus belle manière que cette veste mythique reste résolument contemporaine et moderne.
Vanessa Paradis, Kirsten Dunst, Maiwenn, Romain Duris, mais aussi Alexander Wang, Sarah Jessica Parker, Kanye West ou encore Anna Wintour de dos, sont tous réunis au Grand Palais pour célébrer la Petite Veste Noire de Chanel, s’appropriant à leur manière cette pièce unique qui traverse si bien les époques. Pour cette exposition itinérante qui est passée par New-York, Tokyo, Hong-Kong sans oublier Londres, l’homme au catogan s’est associé à l’autre prêtresse de la mode, Carine Roitfeld, ancienne rédactrice en chef de Vogue Paris et désormais Global Fashion Director de Harper’s Bazaar.
Portée à l’envers, lacérée, cloutée, en bonne sœur, en danseuse burlesque, retroussée, la petite veste noire se prête au jeu de la transformation de celle ou celui qui se l’approprie, devant l’objectif de Karl Lagerfeld. Dès l’entrée, la pénombre nous enveloppe dans la grande salle du Mini Palais. Après quelques pas, on découvre de grands tirages épinglés à même le mur, alignés les uns à côté des autres formant une grande fresque.
Au centre de la pièce principale, des exemplaires du livre sont empilés sous glace et les clichés souvenir forment des blocs très graphiques. Quelques personnalités se détachent d’emblée, parée de teintes colorées.
Yoko Ono apparaît au bout de la salle dansant dans une vidéo.
La mise en scène sobre n’est pas anodine. Ainsi Lulu Gainsbourg, chaussé des fameuses zizis prisés par son père, semble avoir détourner le regard de la contemplation de sa sœur, Charlotte très enceinte souriante vers l’avenir. Carine Roitfeld, au centre bas de la fresque, incarne en toute simplicité une Gabrielle Chanel plus vraie que nature, sous l’objectif bienveillant de Karl Lagerfeld.
Les héritières Sama et Haya Abu Khadra, presque siamoises, nous renvoient au splendide cliché des sœurs jumelles de la grande photographe Diane Arbus. Kirsten Dunst, est à mille lieues de l’héroïne du film Virgin Suicides de Sofia Coppola, en brassière imprimé léopard et jupe taille haute.
Saskia de Brauw, l’un des mannequins phare de la Maison Chanel, assortit sa petite veste noire à une coiffe hollandaise blanche traditionnelle. Virginie Ledoyen, à l’époque participant au tournage du film Les Adieux à la Reine de Benoit Jacquot dans lequel elle campe une Duchesse de Poulignac plus vraie que nature, donne une version très aristocratique de la veste mais avec beaucoup d’humour.
Quant à Sofia Coppola, son style preppy et sobre fait des merveilles en tee-shirt marinière loose et pied nus. A moins de préférer l’allure classique d’Alexa Chung coiffée d’un gigantesque foulard tel une couronne de fleurs très innocente.
Laetitia Casta irradie en parisienne des années 60. On ne peut s’empêcher de voir l’évolution de son regard par rapport aux premiers clichés du top-model.
Alice Dellal a naturellement intégrée la veste noire dans son look néo-punk. La top model Freja Beha nous joue des tours déguisée en religieuse un brin impertinente.
Clémence Poesy devient une guerrière coiffée d’une magnifique coiffe indienne, noire bien sûr. Micheline Chaban-Delmas, veuve de l’ancien Premier ministre Jacques Chaban-Delmas, est l’un des portraits les plus fascinants. Une force incroyable se dégage de son regard droit devant, plissé de rides. Elle est la seule à apparaître sans maquillage ni coiffure très apprêtée et sans accessoires. Dans toute sa simplicité, sobre et vraie.
Pour pousser la démonstration à son terme, des hommes se sont également pris au jeu. Tahar Rahim, Gaspard Ulliel ou encore Romain Duris n’ont rien perdu de leur virilité et portent la petite veste noire avec la même facilité que leurs consœurs.
Et en bonus, l’exposition propose gracieusement de repartir avec un tirage-souvenir sur papier, à choisir parmi quatre clichés. Laquelle aura votre faveur entre Virginie Viard, Aymeline Valade, Kristen Durst ou encore Ayo ? Pour nous, ce fut comme une évidence Virginie Viard, la directrice du Studio Chanel, le bras droit de Karl Lagerfeld.
La maison Chanel poursuit l’expérience à travers une exposition digitale. Dans une mise en scène innovante, les photos apparaissent sur l’écran de manière aléatoire sous la forme d’un cylindre tramé. Il suffit alors au visiteur de cliquer sur la photo de son choix pour que celle-ci s’affiche.
La mode se démode, la petite veste noire et le style jamais !
L’exposition La petite veste noire, un classique de Chanel revisité par Karl Lagerfeld et Carine Roitfeld a lieu dans la Galerie sud-est du Grand Palais (accès par la rotonde Alexandre III : à l’angle de l’avenue Winston Churchill et Cours la Reine) jusqu’au 25 novembre 2012 de 10h à 20h (le jeudi nocturne jusqu’à 22h) L’entrée est gratuite.
Marie-Odile Radom
Related posts: