Circulation(s) 2012, le Festival de la Jeune Photographie Européenne
Aux portes de Paris dans le magnifique Parc de Bagatelle se tient jusqu’au 25 Mars la seconde édition de Circulation(s), le Festival consacrée à la Jeune Photographie Européenne, organisé par l’association Fetart.
Fort du succès de la première édition en 2011 qui a accueilli près de 24 000 visiteurs, ce festival a pour vocation de présenter un panorama de la nouvelle génération de photographes européens et de mettre en synergie les initiatives culturelles européennes autour de l’image.
Autour d’une exposition réunissant une quarantaine de photographes européens, des projections, des lectures de portfolios sont mis en place à destination du grand public et des jeunes photographes. Mais au-delà de cette exposition, Circulation(s) est avant tout une formidable manière de mettre en avant ces nouveaux talents, de leur donner la possibilité de s’affirmer sur la scène artistique et de favoriser le dialogue interculturel à travers une confrontation d’œuvres allant bien au-delà de la simple confrontation d’idées.
Une nouvelle fois encore, la sélection est de qualité avec une programmation s’articulant autour de l’exposition des travaux de vingt-sept jeunes talents sélectionnés suite à un appel à candidatures européen qui a abouti à plus de 600 candidatures.
Jugés sur leurs qualités artistiques, la pertinence de leur travail et la vision personnelle qu’ils expriment par un jury de professionnels du monde de l’image, certains sont de véritables découvertes et présagent d’un bel avenir. Nous avons eu plusieurs coups de cœur que nous vous présentons à notre tour.
Dès l’entrée dans le Parc de Bagatelle, le ton est donné avec les premiers clichés exposés dans le jardin, l’humeur est sombre et le regard juste. Nous sommes accueillis par l’étonnant regard porté par la photographe franco-camerounaise Charlotte Yonga sur Oakland, ce quartier déshérité de l’agglomération de San Francisco qui a construit son identité sur l’industrie de la guerre et les flux migratoires de travailleurs noirs venus des états du Sud-Est.
Sa série Lower Bottom nous présentent des habitants saisis dans toute leur humanité sans fioritures ni complaisances. Chaque personne devient vraie devant son objectif sans qu’aucun jugement ne soit porté telle une Diane Arbus des temps modernes.
Avant de pénétrer dans la Galerie Côté Seine et le Trianon où sont exposés les autres artistes, cette entrée en matière nous fascine et pose les bases d’un regard moderne et sans concession sur notre société.
Parmi les artistes sélectionnés par le jury, nous saluons le travail bouleversant de Vincent Catala, jeune photographe parisien et ancien journaliste pour L’Express et Le Nouvel Observateur. Il présente sa série Jane la nuit tombe, qui retrace l’histoire de sa recherche de Jane, prostituée de Rio rencontrée en 2008 sur une plage de Copabana et à laquelle il s’est attaché après avoir partagé son quotidien.
On suit ses mots comme on suit ses photos. A travers son regard porté sur ses bas-fonds, nous aussi partons à la recherche de Jane, à travers les nuits moites de Rio. Et lorsque nous croisons le regard de ces prostituées au détour des rues, c’est toute leur solitude et leur misère qui nous sautent aux yeux.
Isa Marcelli a démarré la photographie sur le tard. Dans sa série Parfum, elle explore l’intimité et la féminité dans une ambiance onirique et sensuelle. Expérimentant des techniques alternatives, l’utilisation du procédé du collodion humide sur plaque de verre semble suspendre hors du temps une féminité à fleur de peau.
James Parker, à travers sa série This family of mine, offre la scénographie la plus intéressante. Ce photographe britannique nous propose une reconstitution d’un bout d’appartement, plus précisément d’un pan de mur d’appartement sur lequel sont accrochés des cadres photo contenant des portraits de personnes qu’on devine faire partie de sa famille.
Suivant ainsi les conventions d’un album de famille, il crée et se réinvente une histoire familiale selon des scénarios pré-établis et nous emmène dans les méandres du pouvoir narratif de l’image.
Dans la même idée, Désirée Good, jeune photographe suisse, nous conduit différemment à créer une histoire personnelle propre à chaque cliché à travers sa série Je vois ce que tu ne dis pas. Au premier abord, on pense comprendre d’un seul coup d’œil la scène. Mais en y prêtant plus attention, les nombreux détails de ses photographies nous forcent à aborder la situation d’une manière totalement différente.
SFR, partenaire de l’événement, a souhaité mettre en lumière trois artistes de la sélection du jury en leur dédiant un espace dédié – les coups de cœur SFR Jeunes Talents – et en les faisant participer au Prix SFR Jeunes Talents 2012.
Parmi ces coups de coeur, le projet Huit-Clos co-réalisé par Amélie Chassary et Lucie Belarbi interpelle entre imaginaire et réalité et nous questionne sur notre rapport avec les objets que nous possédons. Dans cette série de photographies plasticiennes, les personnes photographiées répètent des gestes propres à une intimité naturaliste dans un contexte de mise en scène.
Dans une presque symbiose avec leur environnement, chacun se fond et se cache dans un des éléments. Telle une enveloppe, leur environnement les protège pour mieux les révéler. Certes, la mise en scène est bien réelle mais elle sait se faire subtilement oublier et nous force à prendre conscience de l’existence d’une identité visuelle, liée à nos habitudes de consommation.
Ideal Woman de Kourtney Roy est une série d’autoportraits qui emploient les stétérotypes kitsch de la femme inspirée par les publicités, le cinéma et la pornographie des années 50, 60 fixée dans un paysage idéal – un paysage de montagnes -, la femme s’ennuie indolente à l’image d’une femme prisonnière de son image.
Cette série donne lieu à un stand interactif où chacun (hommes et femmes) peut incarner cette femme idéale à travers différents accessoires devant ce même paysage idéal dans un petit studio photo aménagé. L’occasion d’admirer une belle galerie de portraits et de nous questionner une nouvelle fois sur notre rapport à l’image, prépondérant dans notre société.
Christine Ollier – marraine de l’événement et directrice artistique de la Galerie Les Filles du Calvaire – a également souhaité mettre en avant 4 artistes qui viennent compléter les projets et artistes invités par le Festival.
Chaque année, le festival offre une visibilité particulière aux différents projets ou acteurs européens. Cette année, c’est l’Institut d’Estudis Fotografics de Catalunya (Espagne) et la galerie norvégienne Melk qui ont eu les faveurs du festival, chacune présentant deux artistes.
Parmi les artistes invités dans cette édition 2012, nous saluons le travail d’un jeune photographe allemand, Gregor Beltzig, qui à travers ses Boîtes de sentiments nous propose un véritable cabinet de curiosités de sentiments, d’émotions intenses qu’il exorcise pour mieux survivre. Colère, souvenirs heureux et travail sur soi nous offre une belle résilience dans un jardin secret créé à la suite d’une séparation.
D’instants pénibles et douloureux, Gregor a su les transcender pour en faire des moments vifs et plein d’énergie, des souvenirs à jamais figés dans le temps. Le photographe a acheté des boîtes qu’il a lui-même vieillies, patinées pour en faire de puissantes boîtes à souvenir dans lesquelles il place des photographies exprimant une émotion jusqu’à sa résurrection symbolisée par le papillon dans la boîte.
Autre artiste invité, Émeric Lhuisset nous propose d’aller au delà du cliché avec sa série Souvenirs en l’exposant pour mieux en montrer la bêtise. Avec son stand interactif, l’artiste nous propose de poser dans son studio une Kalachnikov AK-47 à la main sur fond devant une bâche tendue représentant les Sabres de Qadisiyah, monument emblématique de Bagdad, arc de triomphe d’une défaite déguisée en victoire.
Alors que les révolutions arabes se succèdent, que des peuples prennent les armes et renversent les régimes en place, notre société occidentale semble très éloignée de tout cela. A travers cette installation, Émeric nous exhorte à nous imaginer l’espace d’un instant comme un combattant en Irak, tantôt héros, tantôt terroriste. En ces temps sombres, cette mise en scène nous renvoie au ridicule de nos comportements essayant d’imiter les autres sans pourtant les comprendre.
Beaucoup d’autres artistes exposés mériteraient de figurer dans cet article tant la sélection est de qualité mais plutôt que de faire une longue énumération, je vous laisse les découvrir au Parc de Bagatelle. Et participer aux différents ateliers, il y en a même pour les enfants. Vous avez jusqu’au 25 Mars 2012…
Crédit photo : Image à la une © Alexandra Serrano
Festival « Circulation(s) »
Du 25 février au 25 mars
Parc de Bagatelle Galerie Côté Seine & Trianon
75016 Paris
Entrée libre et gratuite tous les jours, de 11h à 18h30
De 11h à 20h le week-end
Accès
– Entrée coté galerie : Route de Sèvres à Neuilly – M° Pont-de-Neuilly & bus 43
– Entrée coté parc : Allée de Longchamp, 75016 Paris – M° Porte Maillot & bus 244 (Bagatelle – Pré Catelan)
Marie-Odile Radom
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