Aganovich Prêt-à-Porter Automne Hiver 2012 – 2013

« The clown reads in silence what once was said by all. No face within the face, no place within the place. Our kingdom is the narrow passage between the half-glimpsed and the no-longer-seen, between hope and despair. » Edmond Jabes

Comme à l’accoutumée, Brooke Taylor et Nana Aganovich aka Aganovich nous livrent une mode conceptuelle pour l’Automne Hiver 2012 – -2013 avec comme point de départ une référence artistique sur laquelle vogue leur créativité.  Le résultat : une mode expérimentale à la symbolique forte et aux références pointues.

Après l’étonnant défilé de la saison dernière ayant comme point de départ Francis Bacon et son œuvre, le duo de créateurs créatifs s’est inspiré de l’illustrateur Clifford Harper et d’un livre qui leur a offert. Le livre Forces de Sonja Braas, point de départ de cette septième collection, contient des représentations de la nature en Arctique retouchées à l’ordinateur pour leur donner un aspect très artificiel.

Les premières silhouettes annoncent la couleur : le blanc immaculé rappelant les icebergs flottant entre ciel et mer, le noir austère et sombre de l’immensité et le bleu, discret, en fines lignes, renvoyant aux avalanches venant finir leurs courses dans les océans.

Un vent polaire souffle sur la collection. Pour s’immerger dans ce climat inhospitalier, mieux vaut se fondre dans le décor. Les deux créateurs ont privilégié le blanc immaculé et l’ivoire, parfois cassé dans des matières sobres. Un long manteau en laine bouillie étire une silhouette.

Une impression monacale se dégage sans cesse des silhouettes au volume plein s’évasant sur le bas en corolle. Les cols sont hauts et parfois deviennent cagoules pour faire barrage au vent glacial non sans rappeler le chevalier partant en croisade sur les sentiers de la mode.

Tels de mystérieux icebergs surgissant dans la pénombre, les silhouettes d’apparence spectrale sont structurées, extrêment travaillées jouant sur les longueurs et les superpositions. La maille réchauffe une collection dominée par des modèles d’aspect rigide.

Les pièces semblent être attachées au niveau des mains donnant ainsi une impression d’enveloppement fugace. L’asymétrie est de rigueur même si elle n’en est pas pour autant évidente, multipliant les contradictions. Le mélange de plusieurs nuances d’une même teinte renforce cette impression.

Ainsi certains détails n’habillent qu’un seul côté du vêtement. Ici, une manche s’opposant à un côté cape. Là, un détail de plis structure une hanche. Le zip tire son épingle du jeu.

Les silhouettes blanches se succèdent déboulant d’un brouillard fugace puis arrive le noir, un satin brillant austère qui vient s’opposer au blanc virginal. D’abord discret, il se fait de plus en plus présent avant de prendre l’ascendant et de casser avec jubilation l’œuvre du blanc plus rigide. Le bleu si prisé du duo des créateurs n’apparaît plus qu’en soupçon à travers une ligne fine comme un souvenir.

Le maquillage imaginé par Kakuyasu Uchiide pour Shu Uemura est épuré, frais et léger. Et pourtant au milieu de ses figures faussement nues apparait un visage d’exception entièrement fardé, blanc avec une bouche habillée d’un point rouge et des sourcils peints de noir, théâtral comme un personnage de « Nô ».

Une fois encore, le duo de créateurs Aganovich fait mouche. Réussissant brillamment à conceptualiser une inspiration artistique, ils nous prouvent avec force que la mode peut sans cesse s’enrichir d’autres références bien plus fortes et que souvent la frontière entre créateurs et artistes est tenue. Gageons que cet état d’esprit perdurera encore quelques saisons…

Crédit photo :

Image à la une : AP Photo / Jacques Brinon

Marie-Odile Radom

 

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