Suite OxyGène by Chen Man à l’Hôtel Lutetia Paris
“ We’re the generation after the Chinese economic reform; the [societal] development is smooth, but it also brings about many problems that are not very obvious on the outside. I usually use very beautiful imageries to represent the dangerous, hidden problems underneath.” Chen Man
Très attaché aux thématiques de l’art, l’Hôtel Lutetia confirme son engagement envers les artistes contemporains de la photographie durant l’été 2011. Après les 4 suites Rotondes en partenariat avec la Maison Européenne de le Photographie, l’hôtel donne carte blanche à la jeune photographe chinoise Chen Man et inaugure une nouvelle suite à thème dans la chambre 662 : la Suite OxyGène by Chen Man, en partenariat avec la Galerie Loft. Simultanément et jusqu’au 31 août 2011, une rétrospective de ses œuvres majeures de ces cinq dernières années lui est consacrée dans la Galerie d’Art de l’hôtel.
Artiste reconnue sur la scène internationale, Chen Man est une talentueuse photographe qui nous offre de magnifiques portraits de femmes modernes à l’esthétisme un brin surréaliste. Considérée comme une des meilleures photographes contemporaines en Chine, Chen Man a pour principale source d’inspiration le visage de la femme asiatique et avoue être influencée par le travail de l’artiste Matthew Barney, des grands photographes Richard Avedon et Nick Knight et du créateur Alexander McQueen.
Son style fait de couleurs éclatantes pourrait soutenir la comparaison avec le travail du célèbre photographe David LaChapelle, tant les deux artistes partagent une vision esthétique similaire mais l’art de Chen Man reste fort, coloré et unique. Par le biais de cette exposition s’offre à nous toute la vision sensuelle et surréaliste, mais souvent fantasmée et complexe, que la photographe porte sur la femme nous donnant ainsi sa définition de l’essence de la féminité.
Ses portraits sont marqués par une précision, une exigence et une douceur hors du commun qui se traduisent dans la construction d’univers imaginaires extraordinaires colorés venant sublimer l’image de la femme moderne, alliant Chine traditionnelle et contemporaine pour un résultat surprenant mais terriblement vivant. Spécialisée dans la mode, l’artiste utilise dans ses clichés un maquillage sophistiqué à l’extrême avec une mise en scène impressionnante mettant en avant de superbes couleurs – avec une prédilection pour le rouge – auxquels elle fait subir un traitement spécifique parfois proche de la toile peinte.
Ses modèles deviennent alors des créatures doubles, à la fois poupées de cire à la peau ultra-lisse et pin-up sombres parfois mais toujours intrigantes. Le secret de cette touche reconnaissable entre toutes : une habile combinaison de photographie et de technique de retouche numérique 3D.
Depuis plusieurs années, le monde de la mode ne s’y est pas trompé. Chen Man a réalisé de nombreuses couvertures pour les magazines de mode chinois les plus importants : Vogue, Elle, Bazaar, Marie-Claire ou encore Madame Figaro Chine, entre autres, ont fait appel à ses services, tout comme de grandes marques de cosmétiques qui lui ont confié leurs campagnes publicitaires.
Artiste avant tout, elle expose ses œuvres dans les meilleurs musées et galeries de Chine où elle est considérée comme un des talents les plus prometteurs de sa génération. Au printemps 2008, elle a participé à l’exposition China Design au Victoria and Albert Museum à Londres et consécration suprême, la photographie Astronaut a été choisie comme affiche de l’exposition.
Née à Beijing en 1980, Chen Man allie une créativité avant-gardiste à une technologie de haut-vol. L’ouverture culturelle de la Chine suite aux réformes de Deng Xiaoping a offert à la jeune femme tous les outils pour créer son style d’un esthétisme foudroyant et à l’esprit surréaliste prononcé. Fascinée par la beauté des femmes de son pays depuis son plus jeune âge, elle souhaite, à travers son art, retranscrire l’expression de ses sensations mais également son approche d’une féminité idéale.
Chen Man commence à dessiner à l’âge de deux ans, alors que son père dessine les affiches officielles pendant la révolution culturelle. Elle étudie dans un lycée artistique le graphisme et le théâtre avant d’être admise au département photographie de la Central Academy of Fine Arts de Beijing. Diplômée en 2005, la jeune photographe s’est déjà fait remarquée en 2003 en photographiant une série de couvertures pour le magazine mensuel Vision dédié à la mode.
Ses clichés de l’époque posent déjà les bases de son style, des compétences techniques indéniables enrichies par un imaginaire à la frontière du réel apportant un rendu très lumineux presque hypnotique avec un sens du détail poussé à l’extrême.
Dans un pays encore soumis à de nombreuses contradictions, la jeune photographe détonne entre tradition et Occident. Un paradoxe que Chen Man illustre de façon très significative avec sa série de photographies représentatives d’une époque révolue – les années 60 et 70 en Chine – dans lequel elle photographie une femme dont le raffinement féminin surjoué crée une forte opposition avec les bâtiments officiels où trône le portrait de Mao.
La femme, toujours en rouge en opposition à un fond gris et saturé de pollution, devient un symbole avec dans une main un marteau et dans l’autre une paire de gants blancs. Chen Man réinvente une femme singulière et forte, éprise de liberté, qui ne cache pas pour autant un certain patriotisme.
La série Environmental Protection permet à Chen Man d’explorer la place des déchets électroniques et la pollution physique et spirituelle qui en découle dans une société chinoise en perpétuelle croissance. Elle réussit le tour de force de concilier message de protection environnemental avec un certain esprit fashion en incrustant des câbles d’ordinateur, des téléphones portables et autre matériel informatique usager dans la tête de la femme, dénonçant ainsi une technologie qu’elle-même utilise à outrance.
Le modèle devient alors une créature hybride et fascinante, une poupée électronique que les logiciels transforment au gré des manipulations de leur créatrice. A travers cette série, Chen Man pose la question de ses propres paradoxes à travers l’usage d’une technologie aliénante et polluante qu’elle affectionne.
Chen Man explore des thèmes contemporains mais reste constamment inspirée par des éléments traditionnels de la Chine, qui lui permettent de décrypter la société chinoise de l’intérieur au travers d’une esthétique surréaliste fascinante et forte. La jeune photographe très prometteuse à 30 ans à peine est déjà reconnue en Chine. Son travail, à la limite du langage visuel avec un vrai sens du détail, est à découvrir absolument.
Hôtel Lutetia Paris
45, boulevard Raspail – 75006 Paris
Tél. : +33 (0) 1 49 54 46 46
Galerie LOFT, 3 bis rue des beaux-arts,
75006 Paris.
www.galerieloft.com
Marie-Odile Radom
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