Le chef d’oeuvre d’Yves Klein bientôt aux enchères
« L’art se fait avec l’amour. Celui de la mère ou du père qui, après plusieurs mois de nuits sans sommeil, est disponible pour la énième fois à prendre l’enfant dans ses bras sans sentir ses propres douleurs, absorbé par l’amour de l’autre. Je crois que pour Yves il en a fallu beaucoup d’amour tout au long de sa carrière. » Rotraut Klein-Moquay
FC1. Trois lettres pour une œuvre mythique. Feu – Couleur 1. De lui, on connaît ses monochromes, célèbres jusqu’à un bleu devenu mythique, l’International Klein Blue IKB, un bleu troublant, électrique, irradiant d’une profonde vibration. Mais peu connaissent la dernière œuvre de l’artiste Yves Klein.
Réalisée juste avant sa mort en juin 1962, FC1 est son œuvre la plus aboutie de l’artiste et sans doute la plus puissante de toutes. Tableau de feu et de couleurs, FC 1 est une œuvre unique qui conjugue toutes ses recherches artistiques en une seule expérience : l’anthropométrie, la peinture de feu, le fameux bleu Klein et le pigment rose.
Sur un panneau de 3 mètres de long, l’artiste a figé au lance-flammes les silhouettes chorégraphiques de deux femmes – qu’il appelait ses » femmes pinceaux » – enduites de peinture et d’eau.
Yves Klein a d’abord commencé par asperger les deux jeunes femmes avec de l’eau durant une performance filmée au Centre d’essai de Gaz de France. Elles se sont ensuite plaquées sur le panneau ignifugé puis se sont retirées avant qu’Yves Klein ne fasse apparaître leurs silhouettes à l’aide d’un chalumeau industriel, révélant leurs traces en les modelant par le feu.
Les mêmes modèles sont ensuite revenues se plaquer sur la toile, enduites de peinture bleu Klein, imprimant ainsi des anthropométries, ou techniques des pinceaux vivants, les contours de leurs corps étant vaporisés de peinture à l’aide d’un aérographe afin de souligner leurs silhouettes. Le corps fait ainsi le tableau dans une danse hypnotique, l’artiste fasciné par les 4 éléments est en retrait laissant son sujet prendre le pas sur son propre désir.
Klein joue avec les pleins et les vides des formes tracées alternativement en négatif et en positif. Ainsi les empreintes des corps des femmes se révèlent sous l’action du feu. Les anthropométries servent alors de passage à double sens du visible à l’invisible, du matériel au spirituel et du charnel au divin, révélant la spiritualité de la chair.
Sa toile est ainsi incandescente, et devient l’image même du feu : or, bleu et rose, couleurs de base de la peinture monochrome et couleurs primaires voire primales.
Elena Palumbo-Mosca, l’une des deux silhouettes de l’œuvre, se souvient « avoir eu le sentiment de vivre un élément exceptionnel dans l’histoire de l’art. » […] « Le contact direct avec les éléments primordiaux – l’eau et le feu – m’a fait ressentir ces moments comme un vrai rite de passage. Je ne le savais pas, alors, mais je sais maintenant que ces expériences ont été, et sont toujours, essentielles dans mon développement. », confie le modèle favori d’Yves Klein.
Le 8 mai prochain à New-York, la célèbre Maison de ventes Christie’s célèbrera le cinquantenaire de la mort de l’artiste, disparu prématurément à l’âge de 34 ans d’une crise cardiaque, en présentant aux enchères ce chef d’œuvre de l’art contemporain réalisée quelques mois avant sa disparition. Le critique d’art Pierre Restany, ami et collaborateur du spécialiste des monochromes, avait acquis l’œuvre avant de la céder à un collectionneur suisse qui la met désormais en vente.
Estimée entre 30 et 40 millions de dollars (entre 23 et 30 millions d’euros), l’œuvre devrait établir un nouveau record aux enchères pour Yves Klein – et peut-être le meilleur prix pour un artiste européen d’après-guerre, élevant son auteur au rang des artistes cotés à plus de 30 millions de dollars. Une partie de la vente sera par ailleurs reversée à Oceana, la plus grande organisation mondiale à but non lucratif pour la sauvegarde et la protection des océans.
Le jeudi 5 avril 2012, FC1 a été présentée à la presse et aux collectionneurs au siège parisien de Christie’s. Le grand public a également pu admirer ce panneau de 1,41 mètres sur 3 mètres, saturé d’or, de rose et de bleu le lendemain. Hypnotique, cette toile fascine. Bien qu’immortalisée, la danse de ces silhouettes n’est pas figée. En un regard, les silhouettes sensuelles semblent se mouvoir devant nous, comme un testament à jamais vivant de la force créatrice d’Yves Klein.
Pour souligner le caractère révolutionnaire de l’œuvre d’Yves Klein, la maison Christie’s a confié la réalisation d’une vidéo à Laurent Chanez, qui s’est inspiré de la séance de travail de l’artiste filmé en 1962. Couleurs, vapeurs et images d’archives se mélangent dans un hommage particulièrement réussi.
Cette vidéo est hébergée sur le site de Chritie’s qui a développé tout un univers autour de l’artiste et de son chef d’œuvre, dévoilant témoignages, coulisses de la création mais également le contexte artistique de l’époque et une biographie de l’artiste.
Yves Klein voulait capturer le feu. Avec FC1, il y a parfaitement réussi…
Exposition Christie’s New York du 4 au 8 mai 2012
Vente le 8 mai 2012 à Christie’s New-York
20 Rockefeller Plaza
New York, NY 10020
Tel: +1 212 636 2000
Fax: +1 212 636 2399
Crédit photo :
Making-of : © Fonds Vera Cardot and Pierre Joly, Bibliotheque Kandinsky, Centre Pompidou, Paris
Marie-Odile Radom
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