Haute Couture from Paris to NYC – Polaroids par Cathleen Naundorf
« This amazing work of embroidery: for hours, for weeks they make amazing stitching work for clients like Yves saint Laurent and Versace and then they have two minutes on the cat walk, and I said to myself, what world is this?” Cathleen Naundorf
Au premier regard, on ne peut s’empêcher d’admirer les couleurs voilées et les ombres hypnotiques de ses instantanés de haute-couture. Puis la magie et l’élégance des photographies de Cathleen Naundorf finissent de nous séduire.
Avec ses Polaroids grand format, la talentueuse photographe d’origine allemande esquisse un portrait mi-pictural mi-cinématographique de la Haute Couture. En effet, comme beaucoup de grands photographes de mode, Cathleen Naundorf a étudié la peinture.
Et son approche de la photographie s’en ressent. Car la photographe d’origine allemande peint avec sa caméra. Elle met la composition et la technique au centre même de son art dans une approche similaire à celle de la peinture classique.
Prenant le contre-pied d’une photographie de mode moderne ultra-formatée, elle inscrit son travail dans le temps en ajoutant sa propre sensibilité, son émotion du vêtement, pour mettre en avant avec un véritable sens du style et de l’élégance le travail minutieux des ateliers de Haute-Couture.
Chaque cliché de la photographe est un voyage dans un imaginaire de haute élégance peuplé d’animaux splendides, de magnifiques fleurs et de détails baroques, où les femmes parées de somptueuses robes de grands couturiers sont totalement maîtresses de leur féminité mais n’appartiennent à aucune époque.
Entre onirisme et poésie, Cathleen met en scène des beautés élégantes qui s’inscrivent pourtant pleinement dans notre époque. Elle nous propose ainsi sa propre vision du glamour qu’elle inscrit dans une certaine éternité, bien loin des carcans de la mode contemporaine.
Chaque mise en scène est ainsi scrupuleusement étudiée par la photographe, qui choisit elle-même les lieux, les décors, les mannequins, le maquillage et les accessoires. Rien n’est laissé au hasard pour que la photo soit unique.
Car Cathleen Naundorf prend son temps. Elle travaille principalement en Polaroïd avec des chambres de grand format (Deardorff ou Plaubel), combinant la rapidité de la photographie instantanée à la lenteur de la chambre grand format.
Pour chaque prise de vue, elle communique avec le mannequin pour mettre en place la séance et créer son propre récit. Chaque photographie nécessite peu de clichés. Puis le transfert sur Polaroïd peut débuter.
Elle ne travaille pas sur les photos, son style si reconnaissable vient de sa technique de transfert, qu’elle a mis des années à élaborer. Les couleurs présentes dans les films Polaroïd, différentes d’un film à un autre, donnent à ses photos cet aspect pictural.
Cathleen exploite la puissance de la lumière naturelle pour sculpter les visages à la manière des peintres de la Renaissance. Mais elle ajoute à son idéal de beauté une noirceur de conte de fées, jouant avec les ombres.
Bien qu’elle aime tout particulièrement jouer avec les couleurs, son travail s’accorde aussi en noir et blanc, où elle laisse son amour des ombres s’épanouir.
On pourrait croire que les photos oxydées, presque fanées, sont rongées par le temps, mais ces imperfections proviennent des Polaroïd. Le traitement des couleurs finit de donner ce côté éthéré et onirique à son style.
Et c’est ce que nous permet de découvrir l’exposition de ses Polaroids géants à la Edwynn Houk Gallery. Jusqu’au 27 février 2016, la galerie new-yorkaise propose une sélection de clichés tirés de plusieurs séries de l’artiste allemande dont Un rêve de mode et L’Arche de Noé.
Pendant six années, Cathleen a travaillé sur sa série Un rêve de mode autour des créations de six maisons de haute-couture : Chanel, Dior, Jean-Paul Gaultier, Christian Lacroix, Elie Saab et Valentino sublimées par les créations de Philip Treacy.
Mais rien ne prédestinait la photographe allemande à se spécialiser dans la photographie de mode. Après des études d’art à Munich, Cathleen s’est connaître par ses grands reportages sur les vastes terres de Mongolie, d’Amazonie et de Sibérie.
Formée par Horst P. Horst, elle a durant dix ans couvert les coulisses de défilés parisiens pour Condé Nast. Et c’est en 2005 qu’elle débute sa série Un rêve de mode, inspirée par l’esthétique d’Irving Penn, de Fellini, de la Renaissance et de la peinture baroque.
Elle est alors allée voir Jean-Paul Gautier dans ses ateliers pour lui demander s’il pouvait lui prêter une ou deux robes pour ses photos. Il a été tellement impressionné par son travail qu’il lui a donné accès à l’ensemble de sa collection.
La photographe a eu par la suite le privilège de choisir des robes à partir des archives des couturiers pour réaliser ses productions élaborées et cinématographiques, qui ornent les pages du fabuleux recueil La Haute Couture : Les Polaroïds de Cathleen Naundorf paru en 2012.
Avec cette nouvelle exposition à Edwynn Houk Gallery, Cathleen Naundorf nous plonge une nouvelle fois dans son univers onirique. Avec sa technique et son sens du style incomparables, elle met l’accent sur le vêtement, bien loin des codes de la photographie de mode actuels.
Ultime pied de nez à une ère où le tout digital domine, elle utilise une technique où le temps a son importance. Celui pour faire un vêtement, celui pour prendre la pose et celui pour en révéler toute la beauté. Son art s’inscrit dans le temps et c’est ce qui le rend intemporel. Nous en sortons conquis et avec le sentiment que ces photos n’appartiennent à aucune époque sinon toutes…
Crédit photo : ©Cathleen Naundorf
745 Fifth Avenue, 4th Floor
New-York, NY 10151
Marie-Odile Radom
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