Art Paris Art Fair 2014
Première grande foire d’art du printemps, Art Paris Art Fair 2014 joue désormais dans la cour des grands. Plus de 140 galeries internationales se sont réunies pendant quatre jours sous la nef du Grand Palais pour présenter un panorama non exhaustif de l’art moderne et contemporain, qui inclut également la photographie, le design et l’édition d’art.
Rendez-vous incontournable pour tous les amateurs d’art contemporain, Art Paris Art Fair soutient la création européenne et française malgré une présence importante de galeries étrangères.
Plus accessible que sa grande soeur la FIAC, Art Paris n’en reste pas moins complémentaire et permet de découvrir les talents des nouvelles scènes artistiques et de constater la montée en puissance et la très forte vitalité d’un art contemporain différent mais bien souvent très riche.
Après avoir mis en avant les galeries russes en 2013, Art Paris Art Fair 2014 continue son exploration des territoires de l’Est en mettant à l’honneur cette année la Chine pour commémorer les 50 ans des relations franco-chinoises.
Installations, projections, sculptures et photographies de près de 90 artistes – représentés par dix galeries venues de Beijing, Shanghai et Hong Kong et une vingtaine d’enseignes occidentales – nous permettent d’admirer la richesse et le dynamisme d’une scène chinoise moderne en constante progression, mais qui porte un regard sans concession sur la société actuelle.
Ainsi, A2Z Art Gallery nous propose de découvrir les troublantes photographies de la série Temporary Performers – Fairy Tales de l’artiste chinois Zhang Wei. Des enfants, en peignoirs de bain bleus ou en robe de petite fille modèle, fixent tous l’objectif avec la même expression de fatigue et de tristesse sur leur visage.
Les yeux et le nez rougis, avec des bleus ici et là, ils semblent tous dire que derrière le conte de fées d’enfants prodiges se cachent souvent la frustration, la douleur et la tristesse.
Autre artiste mis en avant par la galerie, Gao Jie, jeune artiste émergeant, tente de répondre aux questions existentielles qui habitent chacun de nous et cherche à se rapprocher d’une vision universelle, plus proche de la nature de l’être. Ses deux sculptures se faisant face ne sont pas sans rappeler la Création d’Adam de Michel-Ange.
Travaillant sur l’illusion photographique avec une technique qui met en avant le mouvement, le lyrisme de la lumière et de la matière, Jin Bo nous offre une plongée dans l’inconscient humain dans une vision sombre et torturée. Ces corps et ces visages déformés, gémissant dans une plainte silencieuse, témoignent de la violence de la nature et des hommes entre eux.
La galerie sud-coréenne 313 Art Project a mis en avant le travail du photographe Atta Kim. L’artiste sud-coréen va bien au-delà de la capture d’un simple instant pour conférer à sa photographie une dimension philosophique, grâce à l’utilisation de techniques particulières.
Ainsi l’utilisation de l’exposition lente pour les paysages urbains et de la superposition pour ses corps donne une formidable impression de mouvement, installant un peu plus le propos de l’artiste dans la capture d’un mouvement modifiant profondément notre perception du temps et de l’instant.
Autre acteur marquant de la scène artistique asiatique, Liu Bolin accueille le visiteur à l’entrée du Grand Palais avec sa sculpture monumentale Iron Fist, produite par la Galerie Paris-Beijing.
Image d’une Chine contemporaine s’opposant au symbole révolutionnaire du poing dressé vers le ciel, l’œuvre représente le poing gauche de l’artiste gravé du slogan de la ville de Pékin, le Beijing Spirit: «Patriotisme, innovation, intégration et vertu».
La nuit tombée, l’installation L’origine du monde, la nouvelle création numérique monumentale de Miguel Chevalier, prenait alors possession de la façade du Grand Palais. S’inspirant de la biologie, des micro-organismes et des automates cellulaires, l’artiste a créé un monde organique pixellisé dans lequel des tableaux de méga pixels noir et blancs instables glissent progressivement vers des spirales de couleurs vives tourbillonnantes sur la musique de Michel Redolfi.
Le Centro Italiano Per Le Arti E La Cultura a choisi d’exposer un couple d’artistes chinois Xu De Qi et Zhang Hong Mei au style très différent. Très inspiré par le travail d’Andy Wahrol, Xu De Qi manie la couleur – et le second degré – avec beaucoup de dextérité et mêle symboles de l’Occident et réalités d’une Chine communiste moderne dans un néo pop-art chinois.
A l’inverse, Zhang Hong Mei nous propose des toiles épurées, travaillées à partir de morceaux de tissus, pour une vision plus proche de l’art chinois traditionnel, empreint de poésie et de minimalisme mais dans une approche plus occidentale.
La galerie Art Lexing met l’accent sur le travail photographique de Quentin Shih, photographe qui partage son temps entre New York et Pékin, fruit de sa collaboration avec la Maison Dior. L’artiste mélange cinématographie et imaginaire dans une composition inspirée du style d’Edward Hopper où l’élégance française côtoie la rigueur d’une Chine plus puritaine.
Ye Hongxing crée de surprenantes oeuvres à base d’autocollants assemblés en mosaïque collés sur de la toile. L’artiste reprend des thèmes, des héros, des images véhiculées par les médias devenues emblématiques dans un univers le plus souvent onirique.
La galerie Loft nous propose un parcours visuel de l’évolution de la photographie contemporaine chinoise entre les années 1990 et 2010. Autour de thématiques très fortes – censure et atteinte au corps, traditionnel et contemporain, identité et mondialisation, virtualisation et pertes de repère -, chaque artiste témoigne à sa manière des profondes transformations de la société chinoise.
Artistes de génie aux créations émouvantes ou provocantes, tels Liu Wei, Qiu Zhijie, Zhang Huan, Chen Man ou Yan Peiming, ou « stars » ultra médiatisées telles que Zhang Xiaogang, Wang Guangyi ou Zheng Fanzhi, ces artistes chinois communiquent par l’image tout ce qui ne peut encore être dit ou était tu depuis trop longtemps.
La Galerie Da-End présente un intéressant cabinet de curiosités qui explore de multiples visages de la création artistique. Les artistes sélectionnés, originaires d’Europe ou d’Asie, y explorent les méandres de la psyché humaine et donnent corps à leurs visions intérieures, à l’instar de l’artiste britannique Lucy Glendinning.
La sculpture en cire, plumes et silicone de l’artiste plasticienne donne à réfléchir quant à la représentation de l’être humain. Son être chimérique fascine laissant entrevoir la délicatesse des plumes formant son visage et nous renvoie avec une délicieuse étrangeté à notre propre humanité.
La galerie dévoile également un dessin monumental de l’artiste Davor Vrankić, composé d’un flot logorrhéique de traits fins à la mine de plomb. Dans ce dessin, l’artiste croate donne à voir un spectre galopant au coeur d’une forêt onirique au parterre fleuri dans une vision un brin surréaliste.
On retrouve avec plaisir la A. galerie qui nous présente pour la première fois les fascinants portraits en gros plan de jumeaux et de triplés de la série Identical : Portraits of Twins du photographe Martin Schoeller. Dans cette série où les similitudes se confrontent aux différences, le photographe allemand nous amène à nous demander comment l’apparence et l’identité se définissent chez une personne.
Nous découvrons également les paysages oniriques réalisés durant les voyages en Asie du photographe François Fontaine et les portraits grands formats en noir et blanc de l’artiste Donald Graham.
En complément de la scène invitée, Art Paris Art Fair propose des secteurs thématiques privilégiant la découverte. Ainsi la section Promesses, initiée avec succès en 2013, rassemble douze galeries originaires de Paris, Bruxelles, Genève, New York, Londres, Pékin et Saint-Pétersbourg ayant moins de cinq ans d’existence.
Elles exposent toutes pour la première fois à Art Paris Art Fair et représentent principalement des jeunes artistes émergents de la scène artistique internationale.
Parmi celles-ci, la Galerie Derouillon Paris présente des œuvres de jeunes artistes portant un regard particulier sur la culture consumériste dont il détourne les codes et les symboles.
La galerie a accueilli ses visiteurs avec la sculpture KEEP WARM BURN OUT THE RICH du collectif Nøne Futbol Club, Prenant la forme d’un fer à marquer, cette pièce née du courroux de la jeunesse, qui d’Athènes à Madrid, de Tunis au Caire, a élevé la voix face aux outrances d’un système déréglé et d’une crise globale difficile à juguler, en reprenant un graffiti des émeutes de 2008 devient une parole informative.
Avec sa photographie, Jonas Unger réinterprète le genre du portrait classique, en rompant avec les codes classiques de la représentation. A l’heure des réseaux sociaux et de la mise en avant du soi, cette série de selfies de célébrités aux statuts énigmatiques nous interroge sur notre regard sur les personnalités médiatiques, qui disparaissent souvent derrière le masque de leur couverture médiatique.
Très présent dans la foire, le dessin est mis à l’honneur à travers le Prix Canson. Créé en 2010, ce prix décerné par le Fonds Canson pour l’Art et le Papier illustre la volonté de la maison Canson de promouvoir les artistes qui utilisent le papier comme support principal de leur création.
Présidé par Yan Pei-Ming, le jury a choisi cette année 5 finalistes pour le Prix Canson 2014 qui sera remis cette année à Barcelone au mois de juin. : les Français Gilles Barbier et Alexandre Singh, le Britannique Simon Evans, la Canadienne Deborah Grant et le Mexicain Bayrol Jiménez.
Avec la plateforme ArtDesign, Art Paris Art Fair explore les liens entre art et design contemporain. Pour sa 3ème édition, celle-ci a réunit neuf participants, galeries et institutions, qui ont présenté des pièces exclusives réalisées en mode confidentiel par des talents contemporains.
Ainsi, la Galerie l’Éclaireur a présenté Vincenzo de Cotiis qui a produit des pièces exclusives du PROGETTO DOMESTICO : une armoire et une table basse en bois recyclé, antique et précieux, des luminaires en laiton argent oxydé traité main, une table en fibre de verre et des sièges en cuir traité main.
Le Prix ArtDesign 2014 a récompensé Florence Doléac, artiste et designer française, représentée par Jousse Entreprise, pour sa série de lampes Satellites Dreams II.
Une nouvelle fois, Art Paris Art Fair a su mettre à l’honneur les talents de la scène émergente. Avec une dizaine de galeries venues de Chine et près de 35 autres présentant des artistes chinois, l’édition 2014 témoigne de la vitalité d’une scène artistique qui a bien évolué et a su dépasser les frontières d’un art traditionnel pour s’ancrer pleinement dans la modernité. Contestataire, poétique, alarmant, choquant ou simplement contemplatif, Art Paris Art Fair nous rappelle que la vocation de l’art reste de susciter une émotion. Cette édition 2014 a su relever le défi.
Marie-Odile Radom
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