Back to backstage par Gérard Musy
Comme un écho à l’exposition phare de la rentrée sur laquelle nous reviendrons plus longuement, une exposition présente une autre facette de la mode du couturier Azzedine Alaïa. Mais ici, point de volutes, drapés et autres zips, les créations du maître ont fait place à l’élégance des clichés en noir et blanc du photographe Gérard Musy.
Jusqu’au 07 Novembre 2013, l’exposition Back to Backstage à la Galerie des Nouvelles Images de l’hôtel Scribe Paris est l’occasion d’une véritable plongée dans les années 80 à travers une vingtaine de clichés en noir et blanc pris dans l’effervescence des défilés de Thierry Mugler, Yves Saint Laurent, Patrick Kelly, Christian Dior et bien entendu Azzedine Alaïa. Elle se prolonge jusque dans le bar L’Obscur et se déploie également à travers une petite vidéo.
Ces photographies commandées au photographe par le magazine new-yorkais Splash et publiées en partie en Octobre 1988 sont les premières photos backstage parues en tant que rédactionnel mode.
A une époque où les photographes de mode se pressaient autour des podiums pour immortaliser les mannequins portant les créations haute-couture, Gérard Musy eut l’idée de proposer une autre vision de la mode, en s’infiltrant dans les backstages pour capturer l’envers du décor et restituer la quintessence de ces fameux moments « cabine » aujourd’hui tant convoités.
De ce fait, il fut l’un des premiers photographes de mode à capturer les coulisses des défilés et la vie nocturne durant ces années mythiques, précurseurs d’une mode contemporaine au plus près de son époque, évocatrice d’un art proche de celui d’aujourd’hui.
Immortalisant pour la postérité ce qui fait l’essence même des défilés, ces instants de concentration extrême, d’excitation et de joie, Gérard Musy a contribué à construire la légende de ces hommes et de ces femmes, créateurs, petites mains et mannequins, qui vivent de la mode et nous fascinent tant.
Rien de prédestinait cet amoureux de la lumière à ces rencontres et pourtant transparaissait déjà à l’époque un regard juste et la volonté de transcrire la vie derrière une collection et non le spectacle de son défilé. Le photographe suisse n’eut d’ailleurs aucun mal à se faufiler dans les coulisses pour effectuer librement ses prises de vues, ces moments d’intimité n’intéressant personne à l’époque.
A travers ces moments d’agitation et parfois de tension, l’impression de proximité est totale. Au plus près de ses sujets, Gérard Musy a su capter l’énergie des débuts des futures stars des podiums, de ces femmes à jamais héroïnes de ses photos et des talents de la mode.
Ainsi, on se surprend à sourire en observant presque à la dérobée Azzédine Alaïa. L’innocence d’une Naomi Campbell alors âgée de 17 ans transparaît, une innocence qui depuis, s’est estompée pour mieux laisser s’épanouir un caractère bien trempé. La beauté et la grâce de Tatjana Patitz explosent à chaque prise de vue préfigurant son futur statut de supermodel.
On ne peut voiler notre émotion à contempler Katoucha visiblement émue à la fin d’un défilé. Ces instantanés de mode fixés pour l’éternité sont autant de témoignages d’une époque vibrante et ouverte.
L’ambiance des années Palace, haut lieu des soirées parisiennes de l’époque, reprend forme sous nos yeux, énergiques, effervescentes, grouillantes de vie à l’image d’une profession en pleine mutation.
Avec ces photographies de coulisses pleines d’émotion, Gérard Musy a voulu replacer l’humain au centre de la mode. Et c’est en ça qu’il fut visionnaire, même s’il ne pressentait pas que des années plus tard, les coulisses des défilés seraient le moyen d’expression le plus fort d’une industrie puissante mais fragile.
A travers le regard du photographe suisse, c’est toute la raison de vivre de la mode qui s’exprime, intense, pure, loin des paillettes et du glamour. Et c’est ainsi au plus près de ces hommes et de ces femmes que Gérard Musy nous apprend de quoi est fait une icône.
Crédit photos : ©Gérard Musy, Courtesy Galerie Esther Woerdehoff
Image à la une : Défilé Emanuel Ungaro, Paris, 1988
Galerie des Nouvelles Images – Hôtel Scribe Paris
1, rue Scribe – 75009 Paris
Du lundi au samedi, de 10h00 à 19h00
Entrée libre
Marie-Odile Radom
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