Once Upon A Time….Gabrielle Chanel par Karl Lagerfeld
Deauville, 1913. Gabrielle Chanel ouvre une boutique rue Gontaut-Biron, financée par Boy Capel, son amour de l’époque. Une devanture épurée accueille les clientes d’un Gabrielle Chanel inscrit en lettres noires sur fond blanc. En vitrines, des chapeaux simples mais efficaces, loin des trop grandes sophistications prisées par la clientèle haut-de-gamme du quartier.
Les débuts sont difficiles mais très vite les clientes en quête de modernité affluent. Mademoiselle Chanel diversifie alors son activité proposant à sa clientèle féminine un vestiaire nouveau, empruntant aux hommes le jersey de coton réservé aux vêtements de sport pour rendre aux femmes leur liberté de mouvement.
Celle que l’on surnomme Coco signe un nouveau style épuré à contre-courant de la mode du début du siècle privilégiant corsets et jupes entravées. Gabrielle Chanel vient ainsi de libérer le corps en jouant sur les codes masculins et féminins.
En raccourcissant les jupes, elle esquisse les contours de l’allure de la femme moderne, créant ainsi un style devenu depuis le symbole mondial de l’élégance française.
A l’occasion du centenaire de l’ouverture de cette première enseigne, Karl Lagerfeld a réalisé un court-métrage Once upon a time… diffusé pour la première fois à Singapour le 8 mai dernier. Le directeur artistique de la Maison Chanel nous offre un voyage de près de 18 minutes dans le passé, celui de Gabrielle Chanel dans les prémices très romancées de cette maison légendaire.
Le couturier allemand a imaginé, écrit et réalisé ce court-métrage en noir et blanc à l’esthétique très léchée, sorte de plongée dans une réalité inventée, émaillée pourtant de véritables anecdotes prétexte à une revue du style Chanel.
L’actrice britannique Keira Knightley, égérie du parfum Coco Mademoiselle, y incarne une Gabrielle Chanel pleine d’esprit et de répartie, accompagnée de sa tante et complice Adrienne Chanel incarnée par l’actrice française Clotilde Hesme.
Malgré une petite incongruité linguistique faisant de Mademoiselle Chanel le seul personnage à s’exprimer uniquement en anglais, cette oeuvre singulière séduit avec sa pléiade de fidèles de la marque – dont Caroline de Maigret, Baptiste Giabiconi et Sébastien Jondeau – défilant en tenues d’époque mettant en valeur le vestiaire Chanel.
Grâce à de subtiles suggestions, Karl Lagerfeld présente les silhouettes phare du style Chanel, comme autant d’emprunts aux clientes aisées de la maison de couture dans la France de la Belle Epoque.
Débutant son court-métrage par deux femmes, chignon haut et jupe longue, s’arrêtant devant la vitrine de la boutique puis plusieurs femmes passant devant la boutique dans un style d’époque, il montre combien Gabrielle Chanel était avant-gardiste pour son époque, déroutant ses contemporaines avec un style résolument différent.
On assiste très vite à l’arrivée des premières clientes de Mademoiselle Chanel, venues essayer des chapeaux dans sa boutique. Au fur et à mesure que l’intrigue avance, Gabrielle apparaît fortement inspirée par les goûts stylistiques de certaines de ses clientes, souvent audacieuses pour l’époque.
Ainsi la première cliente à enthousiasmer Gabrielle est Jacqueline Forzane interprétée par le mannequin Ashleigh Good. Véritable concentré de la femme Chanel, cette cliente séduit d’emblée la jeune modiste avec son collier de perles, son cardigan en jersey ponctué de noir, son canotier, son chemisier et une canne noire.
Puis arrive dans une automobile rutilante un jeune homme aux fringantes moustaches qui n’est autre que Boy Capel, l’amant joueur de polo, interprété par Jake Davies. Les hommes ayant alors compté pour Gabrielle font leur apparition : le joueur de polo Etienne Balsan, autre amant et protecteur de Coco Chanel interprété par Brad Kroenig, le caricaturiste Sem interprété par Olivier Saig.
Les deux femmes sortent discuter devant la boutique alors qu’une nouvelle cliente entre, Miss Wonderbilt – sans doute un clin d’oeil à Consuelo Vanderbilt qui épousa en 1921 Jacques Balsan, frère d’Étienne – sous les traits de Lindsey Wixson, dont le visage délicieusement atypique se révèle très à-propos dans cette atmosphère rétro.
Après un bref tour de la boutique, elle s’éloigne en annonçant tout prendre. On aime la délicatesse des broderies de sa robe.
Puis la comédienne de théâtre Eva Lavallière – interprétée par Tallulah Harlech – fait une brève apparition portant un col blanc rigoureux n’est pas sans rappeler ceux de Karl. L’ancienne modiste, très stylée, portait souvent une cravate à large noeud formant 2 coques appelée cravate lavallière dont elle a tiré son nom de scène.
Stella Tennant, mannequin vedette de la Maison Chanel, alias Lady de Grey fait son entrée vêtue de l’emblématique veste en tweed, de colliers de perles et d’un camélia à la boutonnière. Cette veste devenue le symbole de la maison de la rue Cambon fut empruntée à son mari, ce qui fit réagir Coco : « Les vestes en tweed sont très chics sur les femmes ».
Lady Amanda Harlech, la mère de Tallulah, est également de la partie en femme de la Haute-Société venue essayée des chapeaux.
L’excentrique muse des années folles la Marquise Luisa Casati – qui inspira la collection croisière Chanel 2010 – apparaît vêtue de noir de la tête aux pieds sous les traits de Jamie Bochert, promenant de grands chiens en lieu et place des guépards en laisse dont elle était coutumière.
Dès le lendemain, la rue regorge d’élégantes commentant l’élégance des créations de Gabrielle Chanel. Jamie Bochert alias Catherine Pozzi, poétesse et femme de lettres, et Saskia de Brauw alias Vita Sackeville-West, romancière amante de Virginia Wolf, discutent devant la boutique se demandant ce que sera la marque dans cent ans.
Nous, nous le savons et j’espère vous aussi…..
Marie-Odile Radom
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