L’Emouvantail, le conte photographique de Stéphane Fedorowsky
Un soir de juin en hiver, mes pas m’ont menée vers une galerie de bois et de pierres. A la découverte d’un conte photographique, je n’imaginais pas que toute cette histoire finirait en musique. De mots en photos, de noirs en blancs, j’ai été émue par la poésie d’un épouvantail qui avait un petit pois en guise de cœur.
Les mots au bord des lèvres, je suivais les souvenirs d’une histoire d’amour entre deux malmenés, un épouvantail au cœur de petit pois et la Dame de l’O. Par qui, par quoi ? Par la vie, par le vent, par l’O ? Nul ne sait. Séduite par les mots qui défilaient devant mes yeux, j’ai suivi les flèches, bercée par la musique envoûtante, hypnotisée par les ombres que je rencontrais.
Un escalier en colimaçon m’emmena à LA rencontre. Celle de l’épouvantail. Il avait perdu sa tête mais avait conservé son chapeau. Ses mains aussi avaient pris la poudre d’escampette. De la Dame de l’O, nulle trace sauf peut-être la plus matérielle, celle de son amphore.
Assise sur leur banc, j’ai cherché les traces de leur amour, scruté chaque feuille morte à la recherche de leurs larmes. Chaque regard devenait plus précis débarrassé des artifices des émotions. J’ai regardé l’épouvantail dont la seule note de couleur était le vert de son cœur, délicatement posé sur le coussin de ses sentiments.
Il s’appelait L’émouvantail…
Ces quelques mots furent posés sur le papier peu après mon arrivée au vernissage de l’exposition du photographe Stéphane Fedorowsky, organisé avec le soutien exceptionnel de Serge Bensimon. Jusqu’au vendredi 22 juin 2012, le photographe a investi le 11 de la rue Chapon dans le 3ème arrondissement de Paris pour nous faire partager la magie de son dernier projet, l’illustration de l’histoire d’amour de deux êtres, véritables incarnations de la nature.
Grâce à une scénographie originale, l’exposition nous fait pénétrer de plein fouet dans ce conte photographique, restituant à merveille l’atmosphère intemporelle et presque éthérée d’une épopée romantique contée au moyen de mots bien sûr, mais également d’objets, d’une bande sonore efficace et de 18 clichés argentiques réalisés en chambre noire.
L’Emouvantail revisite le personnage mythique de l’épouvantail, personnage effrayant et symbole de prospérité et de fertilité, et en fait une véritable personnification du don de soi. La rencontre avec la Dame de l’O va bouleverser à jamais le destin de ces deux êtres révélant la beauté d’âme d’un épouvantail offrant la jeunesse éternelle et ainsi son cœur à l’objet de son affection.
Hymne à la nature et à la vie, ce conte nous ramène à la vision absolutiste de l’amour et de la capacité de chacun à pouvoir dépasser ses préjugés et à se transcender en nous rappelant qu’ « en chacun de nous vivent les êtres qui nous sont chers« .
L’Emouvantail est également à découvrir en livre en tirage limité lors de l’exposition mais également sous forme d’Hydrid‘Book, un livre numérique enrichi d’une bande sonore spécialement élaborée pour accompagner la lecture. Parfait complément de l’exposition dont il partage la volonté d’être pluriel, l’Hybrid’book de L’Emouvantail est la première réalisation en tant que livre d’art conçue par l’agence de création sonore Hybrid’Production.
Comme un écho à la noirceur de l’encre sur le blanc de la toile, les photographies – exclusivement en noir et blanc – prennent le visiteur au cœur et l’emmènent sur deux étages dans un univers où l’imaginaire prend le pas sur la réalité, exploitant merveilleusement ce lieu atypique aux belles poutres.
Semant sur notre passage différents objets présents dans ses photographies, Stéphane prend possession de l’endroit, le faisant le lieu de résidence de son imaginaire et arrive à matérialiser son conte bien plus sûrement que ne l’aurait fait une simple scénographie. Il y a du Tim Burton dans son univers, mais chez lui point de noirceur, plutôt une impression d’intemporalité renvoyant aux courts-métrages muets du début du siècle.
Jouant avec différentes techniques de développement en chambre noire telle que la solarisation, la superposition ou encore la surimpression, Stéphane Fedorowsky a parfaitement réussi à retranscrire dans chaque photographie l’atmosphère intemporelle qui constitue la base de son travail.
A mi-chemin entre le dessin et l’iconographie, chacune des photographies de l’artiste révèle un univers et un rendu singuliers, presque comme si chacune de ces images – comme l’auteur les appelle – était l’illustration d’une sensation. Flou, mouvement, distance, aucune sensation ne semble vouloir résister à sa technique, subtil mélange d’effets et de textures au rendu parfois assez troublant.
Ainsi une photographie semble n’être qu’un dessin réalisé au fusain tant les blancs sont purs et les ombres profondes. Puis en se rapprochant, la photographie reprend toute sa vigueur et on se rend compte combien la perception peut nous jouer des tours. Surimpression et superposition ajoutent un soupçon d’onirisme à certains clichés comme suspendus sur le fil du temps.
Passionné de mythologie et de symbolisme, Stéphane Fedorowsky prend plaisir à manier et détourner les mots. Il réalise des portraits, écrit des histoires, révèle des personnages en mettant en lumière l’individu avec l’idée qu’en chacun de nous se cache le personnage d’un instant.
Tel un réalisateur, il met en scène l’être afin de nous faire rencontrer cette partie de nous-même que nous n’explorons pas ou si peu. En voyageant dans son monde, en suivant les flèches au sol du parcours qu’il nous propose, il nous fait nous concentrer sur nous-même et révèle nos émotions.
La mienne fut une écriture presque automatique, sans fioriture, un exercice que je fais rarement. Qui plus est, j’ai commencé son conte par la fin sans tout comprendre, mais déjà séduite par les premières épreuves. Me rendant compte de mon erreur, j’ai recommencé le parcours à l’endroit jusqu’à rencontrer l’épouvantail. Les mots ont alors pris possession de mes pensées, cadavres exquis de mon empathie liée à la sensibilité du photographe…
EXPOSITION L’EMOUVANTAIL
Un conte photographique par Stéphane Fedorowsky
11 rue Chapon
75003 Paris
Ouvert de 11h à 19h du mardi au samedi
Marie-Odile Radom
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