Monumenta 2011 Anish Kapoor au Grand Palais
« J’espère créer quelque chose de vraiment passionnant. Je sais ce que je veux faire au Grand Palais, et mon ambition est de faire une œuvre d’art d’une taille considérable, que je veux intégrer totalement au bâtiment pour créer quelque chose qui soit à la fois contemplatif, portant à la méditation…et en même temps très impressionnant. » Anish Kapoor
Pour sa quatrième édition et jusqu’au 23 juin 2011, MONUMENTA expose Anish Kapoor, artiste britannique né en Inde, à investir les 13500 m² et 35 m de hauteur de la Nef du Grand Palais à Paris. Confrontation sans équivalent dans le monde, MONUMENTA invite chaque année un artiste d’envergure internationale à investir cette Nef avec une œuvre inédite conçue spécialement pour cet espace. Anish Kapoor a relevé le défi brillamment avec une œuvre inédite intitulée Leviathan en hommage au monstre marin biblique, forme puissante, ténébreuse et surtout étonnamment poétique.
Après Sternenfall – Chutes d’étoiles de l’allemand Anselm Kiefer en 2007, puis Promenade de l’américain Richard Serra en 2008 et enfin Personnes du français Christian Boltanski en 2010, c’est au tour du sculpteur, l’un des artistes majeurs de sa génération, de se confronter à la Nef. MONUMENTA marque le retour d’Anish Kapoor à Paris, trente ans après sa première exposition dans la capitale. Considéré comme l’un des plus importants sculpteurs contemporains, son travail a profondément renouvelé l’étendue des possibilités de la sculpture contemporaine tant par sa maîtrise de l’échelle monumentale que par la sensualité colorée et l’apparente simplicité qui se dégagent de ses oeuvres.
Né en 1954 à Bombay, Anish Kapoor produit depuis les années 80 une œuvre à la fois méditative et puissante. Souvent épurées, toujours d’une grande force, ses installations-sculptures captent de manière vertigineuse l’attention du visiteur et l’invite à la réflexion en privilégiant les perceptions. Miroir poli, poudres de pigment, béton brut ou cire grasse, les matériaux utilisés par l’artiste sont au service d’un jeu de formes à la fois organique et minimaliste. Chaque oeuvre d’Anish Kapoor nous met en relation avec une sorte d’infini, où se confondent la surface et la profondeur : une expérience physique qui se transforme en expérience méditative ; le spectateur en même temps qu’il découvre la sculpture est invité à plonger en lui-même.
L’ambition d’Anish Kapoor pour le Grand Palais était de créer un choc esthétique et physique, une expérience colorée à la fois poétique, méditative et détonante, qui se mesure à la verticalité et à la lumière de la Nef, cet intérieur plus grand qu’un extérieur. Le matériau translucide utilisé joue avec la lumière dispensée par la verrière de la nef pour en faire une oeuvre rayonnante que le spectateur expérimente de l’intérieur avant de pouvoir réellement prendre l’ampleur de la sculpture de l’extérieur. Anish Kapoor a pensé le Leviathan comme un nouvel espace à l’intérieur mais qui épouse le premier à la perfection, seuls deux mètres séparent la sculpture du haut de la nef.
Et le moins qu’on puisse dire, c’est que l’expérience est réussie ! Leviathan est une oeuvre qui se vit, qui prend aux tripes, dérangeante parfois, étouffante souvent mais toujours fascinante. L’expérience sensorielle qu’elle fait vivre au visiteur est inattendue jouant sur plusieurs niveaux. Visuel tout d’abord avec ce rouge éclatant mais pourtant si doux dans lequel se reflète la verrière. Mais également oral avec les échos des frappements dans les mains ici et là, on se surprend même à chuchoter tant l’impression de déranger est palpable en parlant trop fort. Mais l’essentiel n’est pas là.
Suivez-moi dans cette expérience en débutant par l’entrée de l’exposition : une simple porte-tambour par laquelle on rentre un par un, d’où rien ne filtre même un petit courant d’air. Un vrai sas dont l’air ne s’échappe pas justement et on comprend très rapidement pourquoi. Dès notre entrée dans Leviathan, une première impression fugace nous prend aux tripes et nous met dans un état proche du malaise. Une brève sensation d’oppression s’empare de nous aidée par la chaleur étouffante régnant dans l’endroit.
Les oreilles se bouchent très vite à cause de la pressurisation et l’atmosphère lourde est là. Il fait sombre mais la lumière rouge perçant à travers la membrane, comme un semblant de lumière du jour, nous permet de voir les reflets de la verrière, tel un système sanguin avec trois grosses aortes. L’impression fugace et organique de se trouver dans un utérus prend alors tout son sens, cette membrane n’est que la paroi intérieure d’une peau et nous sommes à l’intérieur du ventre du Leviathan. Le monochrome nous plonge en totale immersion dans une autre dimension physique et mentale.
Le Grand Palais est alors totalement dissimulé vu de l’intérieur. Seul le souvenir du lieu subsiste à travers les ombres chinoises du reflet de la verrière, d’ordinaire si anguleuse. Les angles de la structure métallique ont disparu, seule la rondeur des formes transparaît. Et ce souvenir, qui paraît si naturel, n’est jamais tout à fait le même tant il est soumis aux différents jeux de lumières tout au long de la journée. Là où certains y voient un nombril ou un ventre, d’autres y devinent des aortes tandis que les enfants y voient des narines géantes de monstres. Étrange comme la même impression de réseau vasculaire peut s’exprimer différemment selon l’âge. Mais une même vision s’impose à nos yeux : celle de la disparition du Grand Palais devant l’œuvre organique.
Puis vient le temps de la sortie, l’air et le vent nous surprennent tant l’atmosphère oppressante était devenue presque naturelle. Et là, la structure de zeppelin en toile apparaît majestueuse. On se sent si petit et fragile face à cette œuvre gigantesque dont on peut faire le tour sans problème. Les premières questions fusent. Comment l’artiste a t’il fait entrer sa sculpture dans ce Grand Palais qui d’un coup retrouve sa grandeur ? Comment cette membrane en toile rouge aubergine en PVC a t’elle pu nous paraître si vivante, si organique, si féminine toute en rondeur ?
L’expérience prend alors une toute autre tournure faisant naître en nous de nouveaux rapports à l’espace et aux notions de vide et de plein, de ressenti et de sensations originelles. Face à cet objet gigantesque, nous prenons conscience de notre fragilité. A l’intérieur, des sensations originelles se bousculaient alors immergés dans cette obscurité rouge. Ont-elles été enfouies dans notre esprit parce qu’elles étaient issus d’un passé trop ancien ?
La plupart des travaux d’Anish Kapoor s’adressent à notre perception et le Leviathan ne déroge pas à la règle. Chef d’œuvre artistique, il nous confronte à nous-même à travers la couleur rouge, ses dimensions hors du commun et l’effacement de nos perceptions. Il nous montre comme un pan oublié de nous-même à travers nos propres perceptions, si différentes selon le vécu de chacun et surtout la résurgence de sensations oubliées. Oui, pénétrer dans le Leviathan et en sortir s’apparente à une renaissance. Et on redécouvre alors la grandeur du monde en quittant Leviathan…
Crédit photo :
E.09. MONUMENTA 2011- Anish Kapoor – Leviathan – Vue de l’œuvre. Photo Didier Plowy – Tous droits réservés Monumenta 2011, ministère de la Culture et de la Communication.
Anish Kapoor dans le Grand Palais Septembre 2010. Photo Farida Bréchemier – Tous droits réservés Monumenta 2011, ministère de la Culture et de la Communication.
Anish Kapoor. Memory, 2008. Acier patinable. Dimensions : 14,5 x 8,97 x 4,48 m. Installation : Deutsche Guggenheim, Berlin, 2008. Photo : Mathias Schormann. ©Anish Kapoor
E.05. MONUMENTA 2011- Anish Kapoor – Leviathan – Montage de l’œuvre. Photo LaetitIa Benat – Tous droits réservés Monumenta 2011, ministère de la Culture et de la Communication.
E.01. MONUMENTA 2011- Anish Kapoor – Leviathan – Vue Intérieure de l’œuvre. Photo Didier Plowy – Tous droits réservés Monumenta 2011, ministère de la Culture et de la Communication.
©Maryophoto
E.02. MONUMENTA 2011- Anish Kapoor – Leviathan – Vue Intérieure de l’œuvre. Photo Didier Plowy – Tous droits réservés Monumenta 2011, ministère de la Culture et de la Communication.
E.03. MONUMENTA 2011- Anish Kapoor – Leviathan – Vue Intérieure de l’œuvre. Photo Didier Plowy – Tous droits réservés Monumenta 2011, ministère de la Culture et de la Communication
E.06. MONUMENTA 2011- Anish Kapoor – Leviathan – Vue Intérieure de l’œuvre. Photo Didier Plowy – Tous droits réservés Monumenta 2011, ministère de la Culture et de la Communication.
E11. MONUMENTA 2011 – Anish Kapoor – Leviathan – Vue de l’oeuvre. Photo Didier Plowy – Tous droits réservés Monumenta 2011, ministère de la Culture et de la Communication.
E.08. MONUMENTA 2011- Anish Kapoor – Leviathan – Vue de l’œuvre. Photo Didier Plowy – Tous droits réservés Monumenta 2011, ministère de la Culture et de la Communication.
Pour plus d’informations :
MONUMENTA 2011 : Anish Kapoor
Nef du Grand Palais, Porte principale Avenue Winston Churchill 75008 PARIS
Ouverture tous les jours, sauf le mardi De 10h à 19h le lundi et le mercredi De 10h à minuit, du jeudi au dimanche Fermeture des caisses : 45 min avant la fermeture de l’exposition
TARIFS : 5 € / réduit 2,5 €
Marie-Odile Radom
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